C’est après une trentaine d’années de carrière que le Dr André Rousseau décide d’entreprendre une toute nouvelle aventure, celle de la pédiatrie sociale. Ce sont le Dr Julien, de la fondation du Dr Julien, ainsi que sa fille, Maude, instigatrice du centre de pédiatrie sociale de Lévis, qui l’ont recruté il y a déjà quatre ans de cela. Étant un homme intéressé à l’aide communautaire et désirant s’impliquer dans un organisme, c’est à ce moment-là que sa participation à la vocation de ce centre, encore à ses premiers balbutiements, a pris tout son sens.
Le parcours du médecin modèle
Cependant, la pédiatrie sociale n’a pas toujours été dans les plans de cet homme altruiste, c’est plutôt cette dernière qui est venue à lui. Le clinicien a commencé sa carrière en tant qu’omnipraticien en région. Par la suite, le médecin de famille s’est spécialisé en pédiatrie. Il a notamment exercé à Roberval, à Chibougamau et dans des réserves indiennes pour finalement déménager, après plusieurs années, à Lévis. Actuellement, Dr Rousseau travaille en tant que pédiatre à temps plein à l’Hôtel-Dieu de Lévis et visite le centre de pédiatrie sociale une journée par deux semaines. Ce qui a certainement le plus marqué cet omnipraticien spécialisé, à son arrivée en périphérie de la Capitale-Nationale, est sans aucun doute la misère qui touchait la population. En effet, selon son expérience personnelle et professionnelle, les personnes vivant en ville sont plus seules face à l’adversité, tandis qu’en région l’appui de la communauté aide grandement à contrer l’isolement social et psychologique auquel elles font face.
C’est une ambiance de travail cacophonique, mais à la fois saine, qui permet de donner des soins en fonction des besoins de chaque individu de la famille.
Expérience marquante
C’est à la pensée d’un drame tragique, survenu quelque temps avant son implication en pédiatrie sociale, que Dr Rousseau a accepté l’offre du notoire Dr Julien. La nouvelle funeste de la mort d’un bébé de sept mois, dont les parents toxicomanes vivaient à proximité de l’endroit où est situé aujourd’hui le centre de pédiatrie sociale, bouleverse encore à ce jour le clinicien. Voulant faire une différence dans la vie des enfants vulnérables ainsi que dans celle de leur famille, le pédiatre a pris la courageuse décision d’assister Maude Julien dans l’implantation d’un centre de pédiatrie à Lévis. Du même fait, il désirait pallier au manque de services à la population vulnérable d’un des quartiers les plus défavorisés de cette grande ville. L’objectif primaire du spécialiste était et reste toujours de combler le déficit de notre système judiciaire et de santé qui permet encore aujourd’hui des tragédies telles que l’a vécu Dr Rousseau à ses débuts en pédiatrie sociale.
La naissance du centre de pédiatrie sociale de Lévis
Au moment de son recrutement, le centre n’était encore qu’une esquisse. Maude Julien, infirmière, et Dr Rousseau ont parcouru un chemin incroyable depuis le temps où les travailleurs de la santé devaient voir les patients dans les locaux empruntés de l’Hôtel-Dieu de Lévis. Après deux déménagements et quelques embauches supplémentaires, l’organisme dispose maintenant d’un plus grand local et d’un meilleur arsenal de spécialistes. Il y a désormais deux médecins à temps partiel, une infirmière, une travailleuse sociale, un éducateur spécialisé et une art-thérapeute au service de la clientèle vulnérable du centre. De plus, l’entreprise sociale est l’une des rares au Québec à s’être fait accréditée par la Fondation du Dr Julien. L’omnipraticien spécialisé note que la pédiatrie sociale est un monde à part entière et qu’il a dû revoir sa façon d’exercer au début de son implication. Il est primordial de travailler de pair avec la travailleuse sociale, l’infirmière, l’éducateur spécialisé et avec chaque ressource à laquelle il a accès. C’est ainsi que les professionnels peuvent mieux comprendre l’enfant comme un tout, un ensemble. En effet, les problèmes des enfants vulnérables sont souvent plus d’ordre social et psychologique que médical. Par conséquent, en décodant le langage non verbal du patient ils arrivent à trouver de nombreux problèmes et peuvent ainsi mieux aider l’enfant et sa famille. C’est une ambiance de travail cacophonique, mais à la fois saine, qui permet de donner des soins en fonction des besoins de chaque individu de la famille.
Les difficultés de la pédiatrie sociale
Le courageux praticien indique que bien que leurs actions engendrent des changements dans la vie des enfants et celle de leur famille, il y a de nombreuses déceptions à exercer ce métier. Il arrive parfois que les médecins et le personnel mettent des efforts incalculables pour aider une famille dans le besoin pour finalement voir le fruit de leur travail tomber à l’eau. Dr Rousseau explique qu’il a dû faire un long cheminement avant d’accepter le fait que le centre donne des outils aux familles vulnérables et qu’il n’en tient qu’aux parents de choisir de les utiliser ou non. Sur ce point, les professionnels de la santé n’ont malheureusement aucun pouvoir. C’est pourquoi le clinicien conseille aux étudiants souhaitant exercer de la pédiatrie sociale d’être ouverts d’esprit, de s’impliquer et surtout de ne pas avoir peur de la diversité. D’ailleurs, faire des stages auprès des enfants vulnérables est un avantage incroyable, car cette population se traite d’une façon tout à fait différente. De plus, apprendre à décoder le langage non verbal des enfants est un atout que tout pédiatre social se doit de développer, puisque ces derniers ont souvent de la difficulté à exprimer leurs sentiments, mais que ceux-ci transparaissent tout de même dans leur gestuel.
Réalisations
En pédiatrie sociale, il n’y a pas de grandes réalisations à court terme. C’est seulement après de longues années de travail qu’on apprécie enfin les résultats. Cependant, il y a de petites victoires quotidiennes, comme voir un enfant qui réussit mieux à l’école ou encore gagner la confiance d’une famille. André Rousseau admet que la plus belle réalisation du centre de pédiatrie a été de réussir à faire sa place, et ce en peu de temps. Ils ont gagné la confiance de la population, du CLSC et des écoles avoisinantes. C’est un grand accomplissement en soi. Ils travaillent désormais en étroite collaboration avec le CLSC et la DPJ et ont donc un meilleur pouvoir pour assister les populations fragilisées. Bien entendu, le clinicien note un manque flagrant de ressources. À Montréal, ils ont au-dessus de 60 employés pour gérer leurs centres ainsi que les patients, à Lévis ils ne sont que cinq. Avoir plus de personnel leur permettrait sans aucun doute de mieux prendre en charge les familles et aussi d’en aider plus, car il y a, à l’heure actuelle, une liste d’attente pour les familles vulnérables qui souhaitent avoir accès aux services du centre de pédiatrie sociale.
Léa Bélanger Sanscartier
Université Laval