- Vous devez présenter un cas devant vos collègues et vos patrons. Vous avez la conviction d’avoir bien questionné votre patient et vous avez une bonne idée du diagnostic différentiel et de la conduite clinique à adopter. Seulement, comme votre tour approche, votre cœur s’emballe, vous transpirez et commencez à douter de vous…
- Vous êtes dans votre petit groupe de neurologie. Votre moniteur fait un tour de table pour énoncer les possibilités diagnostiques s’appliquant au cas. Votre tour arrive, mais aucune idée ne vous vient à l’esprit. Votre visage tourne au rouge et vous vous détournez du regard de vos collègues et dites tout bas que vous n’avez pas d’idée. Le professeur passe donc à l’étudiant suivant, mais dans votre esprit, vous vous dites que vous n’êtes pas à la hauteur et que tous ont dû se moquer de vous…
- Vous venez d’intégrer un nouveau groupe. Vous vous placez donc comme observateur afin de saisir la dynamique sociale du groupe et de vous y intégrer. Mais après quelques semaines, les relations tardent à s’établir et vous avez l’impression de ne pas avoir su créer de liens satisfaisant. Vous commencez donc à songer que vous n’êtes pas suffisamment intéressant pour que les gens s’intéressent à vous…
Qu’ont en commun ces situations? Elles dénotent les réactions et les pensés d’une personne vivant de la gêne, de l’anxiété sociale ou de la peur de parler en public. Vous vous reconnaissez peut-être dans l’une d’entre elle à un degré plus ou moins grand. C’est normal de ressentir ces émotions. Par contre, si elles en viennent à entraver vos activités quotidiennes de telle sorte que celle-ci sont modifiés ou vécues avec une grande souffrance, il peut être nécessaire de rechercher de l’aide. Dans un domaine où tous vos collègues sont immensément compétents et où il peut parfois être difficile d’avouer nos propres faiblesses, la gêne peut réellement vous empêcher d’évoluer comme vous l’auriez souhaité.
Si ces situations vous ressemblent, cela remonte probablement à votre jeunesse. Peut-être avez-vous toujours été gêné? Peut-être aviez-vous de la difficulté à vous faire des amis? Peut-être avez-vous toujours craint les exposés oraux? Si tel est le cas, vous avez probablement développé des mécanismes de défense qui vous ont permis de passer aux travers de vos années d’études, jusqu’à votre entré en médecine. Mais pourquoi éprouvez-vous de anxiété lors de situations sociales?
Qu’est-ce que l’anxiété?
L’anxiété est une réaction psychologique et physiologique normale visant à vous prévenir d’un danger réel où, dans le cas qui nous préoccupe, fictif. Par exemple, si vous êtes convaincu que les gens vont rire de vous lorsque vous posez une question, votre anxiété vise à protéger votre estime personnelle. Vous éprouvez donc des sensations physiques sympathiques (augmentation du rythme cardiaque, sudation, étourdissements) qui forment la réponse physique de l’anxiété. Votre anxiété est aussi sous-tendue par une part cognitive. Ce peut être des croyances, des pensées ou des interprétations erronées qui forment la partie psychologique de l’anxiété (« Si je fais une erreur, les gens penseront que je suis incompétent. Si je démontre mon anxiété, les autres le prendront pour un signe de faiblesse. C’est important que tout le monde m’aime. ») Enfin, ce sentiment d’anxiété se traduira par une réponse comportementale. Ce peut être d’éviter la situation anxiogène, d’éviter le contact visuel, d’adopter une personnalité différente de la nôtre, etc.
Vous êtes dans votre petit groupe de neurologie. Votre moniteur fait un tour de table pour énoncer les possibilités diagnostiques s’appliquant au cas. Votre tour arrive, mais aucune idée ne vous vient à l’esprit. Votre visage tourne au rouge et vous vous détournez du regard de vos collègues et dites tout bas que vous n’avez pas d’idée. Le professeur passe donc à l’étudiant suivant, mais dans votre esprit, vous vous dites que vous n’êtes pas à la hauteur et que tous ont dû se moquer de vous…
Disséquons une situation sociale anxiogène. Tout d’abord, les expériences antérieures nous amènent à anticiper l’émotion que nous auront à vivre. C’est le moment où les distorsions cognitives mentionnées plus haut ont leur effet. Dès lors, il est possible que vos mécanismes de défense vous commandent d’éviter la situation qui pourrait pourtant très bien se dérouler. Si, comme dans le cas scolaire, vous ne pouvez vous défiler, au moindre signe physique de votre anxiété, votre mécanique d’interprétation de l’environnement se mettra en branle. Vos perceptions du comportement des autres peuvent alors devenir biaisées (une personne de votre auditoire semble ne pas vous écouter, c’est probablement que vous êtes ennuyant). Après la situation, vous ferez inconsciemment ou consciemment un bilan négatif de votre interaction et ce, même si aucun événement négatif réel ne s’est produit (dans l’exemple de la situation d’introduction 2, le moniteur est passé à un autre étudiant sans que personne ne fasse de cas du fait que vous n’ayez pas répondu. Si ça se trouve, probablement que les autres étudiants n’en ont même pas eu connaissance.). En dressant ce bilan négatif, on valide nos présomptions erronées du départ et on renforce notre anxiété.
Y a-t-il des pistes de solutions sur lesquelles ont peut travailler si l’on vit avec un degré plus ou moins dérangeant de gène? Bien entendu, plusieurs solutions existent. Par contre, on doit être prêt à y consacrer un certain temps car les cognitions sont souvent bien ancrées.
Identifier les déclencheurs
Pour commencer, on doit être capable de ressortir les situations particulières qui déclenchent cette anxiété. Tentez d’être le plus précis possible sur qui ou quoi déclenche selon vous ce sentiment. À cette étape, vous devez découvrir les distorsions cognitives qui sous-tendent votre pensée. Si vous ne parvenez pas à les identifier, il peut être utile de chercher de l’aide auprès d’une personne externe. Par exemple, il n’est pas nécessaire de toujours plaire à tout le monde ou le fait de démontrer des signes d’anxiété (rougir, par exemple) est tout à fait normal et personne ne vous jugera sur cela.
Mise à l’épreuve
Une fois vos distorsions identifiées, vous pouvez tenter de les mettre à l’épreuve (si vous avez toujours l’impression que les gens vous ignorent, tentez de leur sourire ou de les saluer. Vous serez peut-être surpris de voir que c’est eux qui paraissent gêné, tout simplement car nous n’avons pas cette culture de saluer les étrangers au Québec).
Se déjouer
Ensuite, lorsque vous éprouvez de l’anxiété dans une situation, tentez de focaliser votre attention sur d’autres points que ceux qui vous préoccupent habituellement (vous croyez que tout le monde regarde vos broches quand vous parlez? Focalisez votre attention sur quelqu’un qui écrit ou qui fait autre chose pendant que vous parlez).
Faire le bilan
Suite à une situation où vous avez éprouvé de l’anxiété, tentez de dresser un bilan positif. Avez-vous appris quelque chose? Avez-vous quand même réussi à établir un contact ou à faire votre présentation? Avez-vous mieux fait que la dernière fois? Il y a assurément des points positifs, trouvez-les.
Un autre moyen de s’aider à mieux réagir aux situations anxiogènes est de diminuer les attentes, les vôtres et ceux des autres. Par exemple, pourquoi ne pas mentionner à votre auditoire, avec humour, que vous êtes quelque peu gêné? Cela détendra l’atmosphère et diminuera votre taux d’anxiété. Vous pourriez aussi commencer par dire que vous n’êtes probablement pas aussi compétent dans ce domaine que votre interlocuteur et que c’est pourquoi vous lui posez cette question (que vous pensez être stupide). Il existe plusieurs autres façons de réduire les attentes selon la situation, songez-y.
Une autre solution est de se plonger dans des situations anxiogènes de moindre importance. Par exemple, impliquez-vous dans un comité où vous aurez à vous mettre dans des situations sociales qui vous rendent inconfortable, mais qui n’auront aucune conséquence si vous échouez. Il est aussi possible de foncer dans une situation que vous auriez normalement évité en vous obligeant un 30 secondes de courage, avant de laisser vos mécanismes de défense prendre le dessus (posez une question à un grand groupe, abordez un inconnu, demandez du « feedback » sur le cas que vous venez de présenter).
Un autre point important est de prendre conscience de son langage non verbal. Si vous avez les bras croisé et ne regardez que votre livre, il est peu probable que des gens vous abordent, car vous êtes fermés. Tentez d’avoir une attitude d’ouverture aux commentaires autant négatifs que positifs. Enfin, cessez d’essayer d’être parfait (c’est peut-être le conseil le plus utile, surtout en médecine où les standards sont élevés et la compétition fait partie du quotidien).
Si jamais votre problème persiste et affecte votre moral ou votre fonctionnement, n’hésitez pas à consulter les services psychologiques de votre faculté où les centres d’aide aux étudiants :
Quelques ressources
ULaval
- Le réseau d’aide, par et pour les pairs
- Le Centre d’aide aux étudiants : du lundi au vendredi, de 8h30 à midi, de 13h30 à 17h, Tél. : 418-656-7987, accueil@aide.ulaval.ca, Pavillon Maurice-Pollack.
USherbrooke
- Groupe d‘Entraide, par et pour les pairs
- Personnes-ressources au niveau facultaire. Il existe également le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ), fondé en 1990, qui est un organisme sans but lucratif dont la mission est de venir en aide gratuitement aux étudiants en médecine, résidents et médecins du Québec. www.pamq.org ou 1 800 387-4166.
- Centre de prévention du suicide de Québec 1 866-APPELLE (277-3553) 24 heures par jour, 7 jours par semaine.
McGill University
- Counselling Services: 514 398-3601
- Mental Health Services: 514-298-6019 Offices opened Monday to Friday, 7:30 a.m. to 5:30 p.m.
- Student Health Services: 514-398-6017 Clinic opened Monday to Friday, 9:00 a.m. to 4:30 p.m.
UdeM
- Bureau d‘aide aux étudiants et aux résidents (BAER) ou 514 343-6603/1 866 862-5642 pour RV.
- Réseau d‘entraide des étudiants en médecine
Samuel Caron
Université Laval