Le 19 juin dernier, lorsque j’ai mis les pieds au Bénin pour la première fois et que j’ai constaté l’état des faits, je me suis dit que les six prochaines semaines allaient être longues. J’avais pourtant suivi 24 heures de formation pré-départ pour participer à ce stage d’observation en milieu médical, où on nous avait préparés à la réalité culturelle différente, aux enjeux de santé mondiale, à la nécessité de reconnaître ses limites au niveau médical, etc. J’étais supposément préparée à entreprendre le périple. Mais rien ne nous prépare à une telle ambiance, à un tel mouvement incessant, à une dynamique comme celle que j’ai constatée à Cotonou, la capitale économique du pays, ce jour-là. Ceux qui auront mis les pieds en Afrique une fois dans leur vie pourront confirmer le caractère indescriptible du tout.
J’anticipais instinctivement un inconfort, dans ce pays de terre rouge et de soleil. Je craignais secrètement, en ce qui a trait à mon niveau de bien-être, à voir toutes ces vendeuses sur le bord de la route, assises derrière leurs oranges, leurs poissons ou leurs torches, embrouillées par le nuage de poussière et de fumée qui les entourait. J’avais peur, je dois l’avouer. Les six semaines qui ont suivi m’ont pourtant prouvé que, non seulement mon niveau de confort n’a pas été affecté dans ce pays du lavage à la main, de la cuisson au charbon à ciel ouvert et de l’eau de puits, mais que mon niveau de bonheur s’est vu fortement augmenté à force de côtoyer ces gens chaleureux, généreux et disponibles que sont les Béninois.
L’image que je garde du Béninois est celui de quelqu’un qu’il fait bon de côtoyer, pour qui il n’existe ni anxiété liée à l’horaire, ni obstacle pour aider son prochain. Pour qui le premier réflexe face à un accroc de la vie quotidienne est de répondre « Ce n’est pas un problème. On va gérer. »
D’emblée, je désire mettre quelque chose au clair : Le stage d’observation médicale que j’ai fait au Bénin, dans le cadre du programme SCOI d’IFMSA Québec, en était bien un stage d’observation. Il ne s’agissait pas d’aide humanitaire, de voyage communautaire ou de stage pratique. Je suis une étudiante en médecine de deuxième année. Je n’ai pas encore de compétences particulières dans le domaine et les médecins et les internes pratiquant dans l’hôpital où j’ai fait mon stage détenaient une quantité de connaissances à faire pleurer par rapport à mes quelques heures d’expérience clinique. Je n’aurais pu être d’aucune utilité, pas plus que je ne l’aurais été dans un hôpital québécois dans les mêmes circonstances.
Mon stage de six semaines a donc été réparti en périodes de deux semaines : médecine interne, pédiatrie et maternité. Je n’ai pas l’intention ici de rapporter les cas les plus extravagants rencontrés durant mon séjour ni de faire une liste exhaustive de ce que j’ai pu voir. Je ne crois pas que quelques lignes réussiraient à donner une image réaliste des conditions de santé au Bénin.
Je peux par contre affirmer que les conditions hospitalières ne sont nettement pas aussi terribles que ce qu’on a parfois tendance à imaginer. Les médecins sont compétents, les aides-soignants sont bien formés et présents. Il est vrai qu’il manque souvent de ressources matérielles ou qu’elles sont plutôt instables, mais le fait le plus marquant qui caractérise le système de santé au Bénin, selon moi, est son caractère privé, où chaque malade paie des frais de consultation, d’hospitalisation, d’examens, de médicaments, etc. Ce qui affecte le plus la santé des malades, c’est leur incapacité à prendre en charge leur maladie tôt, « puisqu’on va attendre un peu plus pour voir si c’est vraiment grave avant de se rendre à l’hôpital »; ou on entreprend son propre traitement avec des médicaments traditionnels ou de la médecine « underground » et le succès relatif qu’on leur connait. La caractéristique commune que je me permets donc de rapporter de mon passage dans le milieu hospitalier est le niveau de gravité de la maladie et la présence de complications lorsque les patients se présentent à l’urgence. Que ce soit des adultes diabétiques, hypertendus ou dyslipidémiques, des enfants atteints de malaria, des femmes enceintes qui consultent pour la première fois à six mois de grossesse, j’ai constaté que le système privé de santé crée un délai de traitement qui reste probablement un des plus grands obstacles à la bonne santé d’une population et qui n’est pas particulier au Bénin ou à l’Afrique.
En ce qui concerne la vie au Bénin, je me dois de souligner que mon expérience est toute relative à l’unicité de ma personne et à la courte durée de mon passage. Par contre, de ce que j’ai eu la chance de goûter comme expérience, la culture béninoise, ancrée dans le collectivisme, la religion et la foi, le respect de l’autorité et des racines, la famille et la générosité, a été une des plus grande source de joie et de sérénité que j’ai eu la chance de vivre. Il ne faudrait pas croire que les biens matériels sont quasi inexistants, comme les médias occidentaux le laissent trop souvent penser. Les téléphones portables sont universels, les téléviseurs sont très présents. Le luxe et l’excès ne sont certes pas monnaie aussi courante que ce qu’on peut constater au Québec, mais les besoins de base y sont en général bien remplis, toujours selon mes observations. J’ai rencontré un peuple heureux, fier et plus généreux que ce que je connais dans mon propre pays. L’image que je garde du Béninois est celui de quelqu’un qu’il fait bon de côtoyer, pour qui il n’existe ni anxiété liée à l’horaire, ni obstacle pour aider son prochain. Pour qui le premier réflexe face à un accroc de la vie quotidienne est de répondre « Ce n’est pas un problème. On va gérer. »
En définitive, ma réaction première de croire qu’une diminution des ressources matérielles allait être synonyme de diminution de mon niveau de confort se sera révélée erronée. J’ai appris beaucoup sur la médecine lors de ce stage, sur le fonctionnement du système de santé comme sur la médecine clinique et individuelle, mais j’ai surtout appris sur l’importance des relations humaines, de l’honnêteté et de l’engagement dans un milieu pour le bonheur d’un individu. J’allais en Afrique pour apprendre de par la différence, pour remettre en cause ma façon de vivre, pour me lancer dans l’inconnu. J’en reviens le cœur rêveur, heureuse d’avoir réalisé que mon bien-être ne dépend pas des mes possessions, mais des mes relations. Je sais dorénavant davantage vers où orienter mes efforts et mes énergies.
Si vous êtes intéressés par ce type de stage, visitez le site Internet de l’IFMSA-Québec.
Rose Marie Joncas
Rédactrice invité