La session ne fait que débuter. Déjà la matière s’accumule et les premiers examens se pointent plus rapidement que prévu à l’horizon. Le beau temps et une bonne dose de procrastination ont tôt fait de retarder votre étude? Une pilule miracle ne pourrait-elle pas vous aider à traverser la semaine qui vient?
Peut-être que vous vous êtes vous déjà posé une question semblable ou avez entendu des gens vanter les mérites d’une substance qui améliorerait les performances intellectuelles. Plusieurs études américaines ont relevé une hausse de l’utilisation de médicaments sous ordonnance parmi les étudiants universitaires dans le but d’augmenter l’efficacité de l’étude où d’allonger l’état d’éveil. Le phénomène ne semblerait pas être étranger aux universitaires québécois bien que les données soient moins nombreuses. Le « Ritalin » (méthylphénidate) avait d’ailleurs fait la manchette à ce sujet à quelques reprises depuis cinq ans dans les médias québécois, mais plus souvent qu’autrement, ces réalités restent sous silence. Serait-ce un tabou que de traiter de telles questions? Les études en médecine semblent d’ailleurs être propices au désir de faire toujours un peu plus que ce que notre cerveau nous le permet : la compétition pour l’accès à certaines spécialités, la culture de perfection qui règne et l’immense quantité d’information complexe qui doit être intégrée font en sorte que certains étudiants ressentent la pression de s’adonner à ce type de dopage intellectuel. Pourquoi donc? Quelles substances sont utilisées? Quelles peuvent en être les conséquences? Y a-t-il des solutions de rechange? Voyons cela plus en détail.
Si le phénomène existe, c’est qu’il y a une motivation à y participer. La concentration semble être le point principal sur lesquels souhaitent agir les étudiants. Que ce soit pour être plus attentif dans les cours magistraux ou pour mémoriser les longues listes de symptômes, les diagnostics différentiels ou les innombrables traitements, ce peut être tentant de s’aider quelque peu lorsque chaque seconde compte. D’autres substances largement utilisées visent plutôt à combattre la fatigue et donc allonger les heures d’étude. Le stress, demeure aussi fréquemment un ennemi à combattre pour l’étudiant. Après de longues journées de stage et d’étude, des difficultés liées au sommeil peuvent entrer en ligne de compte et favoriser la consommation de substances variées. En somme, il y a plusieurs raisons qui justifient l’usage de molécules psychoactives par les étudiants. En soi, cela peut être justifié par des raisons médicales, ou bien acceptable, comme le petit café du matin. Mais si vous devez vous procurer illégalement des neurostimulants afin de survivre à votre semaine d’examen, il y a peut-être quelques questions à se poser.
Quelles substances font parties du phénomène de dopage intellectuel? Elles peuvent varier d’un individu à l’autre. On peut penser à la consommation de médicaments sous ordonnance n’ayant pas été prescrit à l’usager dans le but d’augmenter les performances intellectuelles. Classiquement, on pense aux stimulants, qui sont la classe de médicaments la plus cité dans les écrits sur le sujet. Notons dans cette catégorie le Ritalin ou le Concerta ou encore l’Adderall parmi les plus répandu. Ces médicaments sont normalement prescrits pour le traitement du trouble de déficit de l’attention (TDAH). Leur utilisation serait répandue parmi les étudiants afin d’augmenter la capacité de concentration. D’autres médicaments pourraient aussi être utilisés dans le but d’améliorer les capacités intellectuelles notamment la mémoire comme avec le donepezil, un inhibiteur de l’acetyl-cholinestérase utilisé dans le traitement de la maladie d’Alzheimer ou la résistance à la fatigue comme avec le modafinil (Alertec), normalement utilisé dans certains troubles du sommeil. Les prescriptions de ces médicaments sont plus rares à l’heure actuelle, limitant ainsi leur utilisation potentielle à des fins de dopage intellectuel.
Le meilleur moyen de pallier à ce sentiment d’impuissance face à la charge de travail qui pousse plusieurs étudiants à se doper demeure l’équilibre de vie.
D’autres classes de médicaments pourraient aussi être consommées pour réduire le stress et l’anxiété inhérente à des périodes intenses d’examens ou à des présentations orales et contribuer au sommeil, notamment la classe des benzodiazépines et les bêtabloqueurs. Certains étudiants pourraient aussi faire l’usage de substances illicites comme les amphétamines, la cocaïne ou le cannabis afin d’améliorer leur résultats scolaires de différentes façon. Bien sur, la substance la plus consommée dans ce but demeure la caféine et ses équivalents, autant dans le café que dans les boissons énergisantes.
Les conséquences de cette pratique varient selon la substance et les caractéristiques de l’individu et sont de divers ordres. Au niveau physique, les médicaments entraînent des effets secondaires. Les stimulants peuvent donc engendrer des céphalées, de l’insomnie et des troubles gastro-intestinaux. Un usage abusif peut même entraîner une dépendance et des symptômes de sevrage. On ignore aussi les effets à long terme de la prise de stimulants sans indications médicales. Les autres médicaments mentionnés ci-haut ont tous aussi un profil d’effet secondaire non-négligeable. Au niveau psychologique, certaines de ces substances peuvent entrainer une dépendance. En effet, si l’on croit percevoir un gain d’efficacité dans sa capacité d’étude, il peut devenir de plus en plus difficile de s’en passer. Et comme le stress et la quantité d’information ne vont pas en diminuant durant le processus d’accession à la profession médicale, sera-t-il possible de s’en passer plus tard? Au niveau moral, la même question se pose que dans le monde du dopage sportif. Doit-on accepter que les étudiants en médecine utilisent des médicaments pour améliorer leur capacité intellectuelle? Qu’arrivera-t-il à ceux qui s’en passeront? Les avis divergent sur cette épineuse question mais le but des études médicales est de devenir un soignant, professionnel et près de ces patients, plutôt que d’être prêt à tout afin de tout connaître.
Le meilleur moyen de pallier à ce sentiment d’impuissance face à la charge de travail qui pousse plusieurs étudiants à se doper demeure l’équilibre de vie. Ça peut sembler cliché, mais une bonne hygiène de sommeil, une alimentation équilibrée, suffisamment d’activité physique et du temps réservé à des petits plaisirs et à la vie sociale restent la meilleure façon d’être au sommet de sa performance intellectuelle naturelle. Pour améliorer votre concentration, commencez par rendre efficace votre environnement d’apprentissage en tentant de diminuer les sources de distraction (télévision, cellulaire, Facebook). Apprenez à maintenir le focus en arrivant préparé aux cours et en prenant des notes. Commencez votre étude à l’avance et planifiez de façon réaliste ce qui permettra de réduire votre stress et facilitera l’assimilation d’une grande quantité d’information. Pensez à sectionner l’étude en différents blocs logiques et, si cela vous aide, à établir des schémas de concepts afin d’aider l’intégration à long terme des points les plus importants. Le cerveau apprend beaucoup par la répétition et par l’intégration. Plutôt que d’étudier un gros tableau d’antibiotiques pendant deux heures, il vaut mieux l’étudier de façon moins approfondie mais à quatre reprises. Une bonne façon d’aider à la rétention de l’information est de faire volontairement des liens avec des cas cliniques ou de la matière vue précédemment et ce que l’on tente d’apprendre. Prioriser l’information, selon la pertinence clinique par exemple, vous aidera à diriger votre étude. Si vous ressentez beaucoup de stress, diverses techniques peuvent vous aider, il n’y a pas que la méditation et le yoga! N’hésitez pas à lire sur le sujet et à consulter les services d’aide psychologique afin de vous outiller pour y faire face. Surveillez aussi votre santé, physique comme mentale. Diverses maladies peuvent se présenter avec une diminution de la concentration, des troubles du sommeil et de la nervosité.
La décision d’utiliser ou non des substances psychoactives dans le but d’augmenter ses capacités d’apprentissage appartient en dernier lieu à chacun d’entre nous. En tant que futurs professionnels de la santé, restons cependant vigilants quant aux effets négatifs potentiels sur la santé et questionnons-nous sur l’éthique et le professionnalisme derrière une telle pratique.
Merci au Dr Jean-François Montreuil pour la révision de cet article.
Samuel Caron, rédacteur en chef
Université Laval
Sources :
- Towards responsible use of cognitive enhancing drugs by the healthy, Nature, vol. 456, décembre 2008
- Les drogues de l’intelligence, Une pilule, une petite granule, épisode du 29 octobre 2009, Télé-Québec