Lorsqu’on entreprend le laborieux parcours des études en médecine, on passe inévitablement par plusieurs étapes; on débute le préclinique, vient ensuite l’externat, puis la résidence. Et à la fin de tout ça, du jour au lendemain, on devient finalement patron. Mais comment se vit réellement la transition entre la résidence et la pratique? Première Ligne s’est posé la question! Pour y répondre, nous avons interrogé quatre jeunes médecins, qui exercent des pratiques bien différentes dans des milieux tout aussi différents, un peu partout au Québec.
Dre Rose-Marie Patry, médecin de famille aux Îles-de-la-Madeleine
Après une technique de laboratoire ainsi qu’une année de baccalauréat en biotechnologies, Dre Patry commença son doctorat en médecine à l’Université de Sherbrooke, campus de Fleurimont. En 2012, c’est à Rimouski, UMF affiliée à l’Université Laval, que ce jeune médecin originaire de Lévis compléta sa résidence en médecine familiale.
Après des études à Sherbrooke et à Rimouski, ce sont plutôt les Îles-de-la-Madeleine qui eurent raison du cœur de Dre Patry, où elle pratique depuis la fin de sa résidence dans la municipalité de Cap-aux-Meules. Elle y fait de l’obstétrique, de l’hospitalisation et du suivi en bureau.
Pourquoi avoir choisi la médecine familiale?
Durant son cours de médecine, Dre Patry était attirée par toutes les spécialités. Après avoir réalisé qu’elle aimait particulièrement le contact privilégié avec les patients ainsi que le suivi à long terme, la médecine familiale lui semblait toute indiquée!
Le début de pratique est un acte d’humilité. Il faut reconnaître ses limites et accepter de ne pas tout savoir : c’est normal!
Pourquoi avez-vous choisi ce type de pratique aux Îles-de-la-Madeleine?
« Lors de ma résidence, durant une journée, j’ai participé à la clinique d’un médecin de famille faisant des accouchements. Toute la journée, j’ai vu de jeunes parents avec leurs enfants. J’ai adoré cette expérience! Voir de jeunes familles en santé, leur donner des conseils, travailler surtout en prévention afin de leur inculquer de bonnes habitudes de vie, ça rejoint ma vision de la médecine familiale. » En ce qui concerne l’hospitalisation, Dre Patry trouve que c’est la meilleure façon de se garder à jour, puisqu’elle peut échanger avec les autres médecins (incluant les spécialistes) et poser des questions, ce qui est extrêmement utile pour sa pratique en bureau! L’hospitalisation permet également de suivre les patients intensément, sur une courte période et de voir directement les effets de nos traitements, ce qui est selon elle très enrichissant.
Depuis le début de ses études, Dre Rose-Marie Patry voulait pratiquer en région, car le médecin de famille y joue un rôle central dans la prise en charge du patient. La polyvalence et la débrouillardise qu’offre la région sont également des avantages certains! Pourquoi avoir choisi les Îles-de-la-Madeleine? En plus d’avoir été séduite par les paysages incroyables et la très belle qualité de vie caractérisant l’endroit, Dre Patry s’est établie aux îles pour y rejoindre son conjoint et sa famille, qui sont Madelinots! Selon elle, lorsqu’on envisage de partir en région, il ne faut pas non plus avoir le sentiment de s’exiler. C’est pourquoi ils ont choisi cet endroit où une famille et des amis les attendaient déjà, me dit-elle sans une once de regret.
Dre Patry pratique au sein même de l’hôpital, le CSSS des Îles. En effet, le GMF des Îles-de-la-Madeleine (il n’y en a qu’un) est situé dans l’hôpital, tout comme les cliniques externes des spécialistes. Toutes les ressources de l’hôpital sont à la portée de la main, ce qui est très pratique pour les médecins de famille de l’endroit!
La transition de la résidence à la pratique
Les défis
« Le passage de la résidence à la pratique représente une bonne marche à gravir, mais nous réussissons tous! C’est vrai que la résidence m’a paru parfois trop courte pour la quantité de connaissances à maîtriser, mais lorsque j’ai gradué, j’ai réalisé qu’en fait, elle n’est que le début de notre apprentissage. Le début de pratique est un acte d’humilité. Il faut reconnaître ses limites et accepter de ne pas tout savoir : c’est normal! Ce qui est important, c’est d’avoir un bon réseau de soutien entre collègues et d’aller chercher l’information. Ma première année de pratique tire à sa fin et je me rends compte de tous les progrès que j’ai faits tant au niveau du savoir-faire que du savoir-être. C’est super stimulant!
Après avoir discuté avec d’autres médecins en début de pratique, Dre Patry réalise que ce qui est le plus difficile pour la plupart d’entre eux, c’est l’insécurité. La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir quoi faire, de faire une erreur ou un oubli. Mais cette peur s’amenuise avec le temps; on apprend à se faire confiance, à se féliciter de nos bons coups. « On découvre tranquillement quel genre de médecin nous voulons devenir. Rien ne se fait du jour au lendemain! »
Et l’intégration à l’équipe d’omnipraticiens, dans tout ça?
L’intégration de Dre Patry s’est très bien déroulée! « Tous les médecins ont leur bureau dans le même corridor, alors on se croise constamment, on dîne ensemble à la cafétéria. Les occasions de se rencontrer et de discuter sont multiples. C’est très important! En plus, il suffit de sortir et de participer à des activités pour se recroiser à l’extérieur de l’hôpital: c’est la réalité des petites régions! »
Finalement, Dre Patry, quelles sont selon vous les joies de commencer une pratique en médecine familiale?
« Je dirais que le plus grand gain que l’on obtient en début de pratique, c’est l’autonomie. On en rêve tellement en fin de résidence! J’ai l’impression d’enfin travailler afin de devenir le médecin que je veux, de pouvoir ajouter ma couleur. J’ai aussi remarqué que la relation qui s’installe entre mes patients et moi est différente de celle que j’avais à la résidence: le lien est plus fort. Je deviens leur vrai médecin de famille. Et c’est extrêmement gratifiant! »