Le 1er juillet 2012 marquait la fin des gardes en établissement de 24 h. Les gardes en établissement de 16 h ont été confirmées par une sentence arbitrale le 7 juin 2011, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elles furent par la suite intégrées à la nouvelle entente collective 2010-2015 de la FMRQ, le 22 décembre 2011, par le biais de l’article 12 (sous Entente collective). Mais pourquoi abolir les gardes de 24 h?
Les droits de la personne et l’évidence scientifique
Un grief déposé en mai 2007 par un médecin résident a fait l’objet d’une décision arbitrale le 7 juin 2011 en faveur du plaignant, invalidant ainsi l’article 12 de l’entente collective de la FMRQ.
« Une seule nuit sans sommeil entraîne un traitement moins structuré de l’information», a fait valoir le psychologue, professeur et chercheur Roger Godbout[1] au moment de l’arbitrage du grief. Le Dr Charles Czeisler[2], chercheur à l’Université Harvard, a pour sa part confirmé que « les médecins résidents sont 2,3 fois (168 %) plus à risque d’être impliqués dans un accident d’automobile après une garde de 24 h », qu’ils ont deux fois plus de chances d’avoir des manques d’attention durant leurs gardes, qu’ils font 36 % plus d’erreurs médicales sérieuses et près de six fois plus d’erreurs de diagnostic sérieuses (464 %) que lorsqu’ils font des gardes de 16 h ». Avec de telles données, comment ne pas en arriver à la même conclusion que l’arbitre!
Les gardes en établissement de 16 h
Certains médecins résidents craignent l’impact de ce changement sur leur formation ou sur la sécurité des patients, et s’inquiètent de voir la durée de la résidence augmentée. Mais si, après 18 ou 20 h, on ne peut procéder à une technique ou que l’on fait une erreur grave dans le dosage d’un médicament, est-ce responsable ? Avec un maximum de 16 h, les médecins résidents sont mieux disposés pour l’apprentissage des connaissances et pour la dispensation des soins à leurs patients. D’ailleurs, on ne réduit pas le nombre d’heures de travail par semaine, celles-ci sont seulement réparties autrement.
Une avancée pour la santé des médecins et la sécurité de leurs patients
En 1986, la Fédération avait mené une bataille rangée pour réduire les heures consécutives de garde de 36 h à 24 h maximum ; 25 ans plus tard, ce nouveau changement s’imposait et ne change rien au professionnalisme des médecins en formation. Il favorise tout simplement des conditions plus optimales, pour que leur corps et leur cerveau soient à leur meilleur pour l’exercice de leur profession.
Dre Marie-Renée B.Lajoie, MDCM, CCMF
Présidente sortante du Comité des affaires pédagogiques – Médecine familiale de la FMRQ
Quelques articles sur les gardes en établissement
CZEISLER, A. Charles. The Gordon Wilson Lecture: Work Hours, sleep and patient safety in residency training, Transaction of the American Clinical and Climatological Association, Vol. 117, 2006; pp. 159-188.
CZEISLER, A. Charles. Medical and genetic differences in the adverse impact of sleep loss on performance: ethical considerations for the medical profession, Transactions of the American Clinical Climatological Association, Vol. 120, 2009; pp. 249-85
LOCKLEY, W. Steven et coll. When policy meets physiology, The challenge of Reducing resident work hours, Clinical orthopaedics and related research, # 449 (August 2006), pp.116-127.
FÉDÉRATION DES MÉDECINS RÉSIDENTS DU QUÉBEC. Le Bulletin. Heures de travail et horaires de garde en 2009. Vol. 32 no 1, Octobre 2009
FOREST, G,* GODBOUT, R. Sleep deprivation: Attention and memory changes. In: C. A. Kushida, ed. Sleep Deprivation: Basic Science, Physiology, and Behavior. New York: Marcel Dekker, 2005: 199-222.
GODBOUT, R. Le sommeil normal et pathologique: neuropsychologie et neuropsychiatrie. In Botez-Marquard T, Boller F, eds. Neuropsychologie clinique et neurologie du comportement. Montréal: Presses de l’Université de Montréal, 2005: 317-332.
INSTITUTE OF MEDICINE of the National Academies. Resident Duty Hours : Enhancing Sleep, Supervision and Safety. Committee on optimizing Graduate Medical Trainee (Resident) Hours and Work Schedules to Improve Patient Safety. Washington,D.C. 2009.
[1] Roger Godbout, Ph.D., est directeur du Laboratoire de recherche sur le sommeil humain à l’Hôpital Rivière-des-Prairies et psychologue coordonnateur de la Clinique spécialisée d’évaluation diagnostique des troubles du sommeil.
[2] Charles Czeisler, M.D., Ph.D. est professeur émérite et chercheur à l’Université Harvard.