La vie universitaire a toujours amené son lot d’inquiétudes pour Victor, présentement en quatrième année de médecine, qui redoutait surtout les périodes des examens qui ont été toujours difficiles, même lorsqu’il complétait son baccalauréat en physiologie humaine avant d’entrer en médecine. Cependant, depuis le mois de juillet, ses amis remarquent qu’il est de plus en plus irritable, mais ils l’excusent car Victor, en plus de se préparer pour des examens importants, appliquait également pour des programmes d’études postdoctorales.
Victor, lorsqu’interpellé par ses proches, a reconnu être plus malcommode qu’à l’habitude, et il s’explique par le manque de sommeil qu’il entretient depuis quelques semaines. Outre les exigences académiques et professionnelles qui se sont complexifiées dernièrement, il avoue que de plus en plus d’inquiétudes encombrent son esprit. Il avait peur de ne plus être capable de bien apprendre comme à l’habitude, de ne plus être habile à exécuter les tâches qu’on lui demandait en stage, et la peur omniprésente de ne pas « matcher » à un poste de résidence semblait aussi croître. Il a redoublé d’ardeur à l’étude dernièrement, mais il craint que ses amis et sa petite amie le délaissent à cause de son absence.
Les études en médecine, un facteur de stress important
Étudier en médecine constitue, pour plusieurs d’entre nous, un important facteur de stress. Entre les exigences académiques élevées, les implications parascolaires multiples et les attentes sociales, l’horaire typique d’un étudiant en médecine laisse parfois très peu de temps pour prendre soin de soi. Le chemin d’un étudiant en médecine étant déterminé par plusieurs épreuves de sélection très compétitives, comme l’admission initiale en médecine, l’admission dans un programme de résidence et les différents examens professionnels, il est normal de se sentir dépassé par les événements. Réussir à maintenir un mode de vie équilibré parmi ce chaos nécessite, outre une bonne capacité à gérer son temps et à maintenir de saines habitudes de vie, le recours à des stratégies afin de réduire ce stress, qui varient selon les individus.
Suite aux recommandations d’une adjointe à la vie étudiante, il a tenté d’adopter de meilleures habitudes de sommeil en établissant une routine plus saine, mais il éprouvait tout de même une difficulté à s’endormir même s’il était épuisé. Ses préoccupations devenaient de plus en plus importantes à l’approche de la période d’entrevues, et il admet être toujours dans un état d’alerte, car il se devait, selon lui, d’être encore plus vigilant qu’à l’habitude, toute erreur pouvant permettre à ses craintes d’échec de devenir réalité. Il avait entendu des histoires à propos des étudiants de l’année passée qui ont obtenu des postes de résidence loin de leur ville natale ou, pire, qui n’en ont pas obtenu du tout : et si c’était lui, cette année ?
Quand l’anxiété devient envahissante
L’anxiété est une réaction normale face au stress, mais elle peut devenir problématique lorsque certaines habitudes de vie en viennent à être perturbées. Outre les études, l’argent et les relations interpersonnelles peuvent également être sources d’inquiétudes, mais lorsque ces dernières se multiplient jusqu’à devenir fluctuantes et débilitantes, il est possible qu’elles caractérisent un trouble d’anxiété généralisée (TAG) sous-jacent si elles se présentent une journée sur deux ou plusieurs fois par jour depuis au moins six mois. Ces inquiétudes concernent des événements qui ont peu de chances de se réaliser, mais elles se présentent tout de même sous forme de monologue interne répété. La personne présentant un TAG, submergée par ces préoccupations sans fin, tente alors d’éliminer l’incertitude—qui leur est intolérable—à la base de ces dernières, mais sans succès.
Même après une période de repos imposée par les vacances de Noël, Victor semble de plus en plus irritable selon les dires de sa petite amie, qui affirme qu’il est plus sensible aux critiques qu’on lui adresse. Même s’il a eu les convocations aux entrevues qu’il désirait, il sent qu’il est sur le point de perdre le contrôle de la situation et il a l’impression de « devenir fou » pendant qu’il attend les résultats de ses applications pour la résidence. Sachant qu’il ne se sent pas être à son meilleur, il confie qu’il sent qu’il s’attend au pire si la situation ne s’améliore pas, surtout avec un examen professionnel terminal qui se profile à l’horizon.
La culture médicale agissant parfois en tant que frein à la divulgation de troubles de santé mentale, certains étudiants attendent de présenter des symptômes qu’ils jugent suffisamment graves avant de demander à l’aide. Les services à la vie étudiante peuvent servir de support dans les premiers temps, mais lorsque la situation se complique, il est essentiel de consulter en première ligne. Lorsque l’anxiété et les inquiétudes sont associées à trois ou plus des symptômes suivants (agitation ou sensation d’être à bout, fatigabilité, difficulté de concentration ou blancs de mémoire, irritabilité, tension musculaire, perturbations du sommeil) pendant au moins six mois, consulter permet de faire le point et de rectifier le tir avec une psychothérapie misant sur l’acceptation de l’incertitude et le développement de stratégies de gestion de stress. Un recours à la psychiatrie peut être nécessaire dans certains cas plus graves, et une médication peut aussi s’imposer si la situation se trouve à être urgente.
Nina Nguyen
Université de Sherbrooke