Rwanda : un système de santé adapté

Rwanda : un système de santé adapté

Chaque été, le programme d’immersions culturelles en milieu médical à ressources limitées SCOI d’IFMSA-Québec permet à une vingtaine d’étudiants en médecine du préclinique de partir en stage d’observation à l’étranger. C’est dans le cadre de ce programme que j’ai pu passer quatre semaines à l’hôpital Kabutare, à Butare au Rwanda l’été dernier. Entre les journées à l’hôpital et les soirées dans ma famille rwandaise, une myriade d’éléments contraste assurément avec le quotidien du Canada. Ainsi, qui dit autre pays dit autres mœurs, mais également autres enjeux de santé et autres façons de pratiquer la médecine. Quoi de mieux que de se familiariser avec le fonctionnement d’un système de santé pour mieux mettre en perspective ces différences ?

Faisons donc le point sur le système de santé au pays des mille collines !

Le Rwanda, petit pays d’Afrique de l’Est enclavé entre l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Burundi et la Tanzanie, forme avec ses dix millions d’habitants le pays le plus densément peuplé d’Afrique. Avec une population majoritairement rurale où près d’un ménage sur deux souffre de pauvreté, le système de santé doit surmonter des défis particuliers en termes d’accès aux soins.

Laurence Lapointe, stage coup de coeurDes soins accessibles en première ligne
Pour permettre une meilleure accessibilité géographique aux soins, le système de santé du Rwanda est composé de trois paliers distincts. Ainsi, la première ligne est composée de 430 centres de santé se trouvant dans les villages. Les centres de santé sont des dispensaires permettant de prodiguer les soins primaires, d’assurer un service de maternité et de mettre en place des mesures de prévention dans la communauté. Le personnel du centre de santé dépiste les pathologies potentiellement sévères à l’aide de l’approche syndromique et transfère les patients nécessitant une prise en charge plus complexe à l’un des 39 hôpitaux de district, qui forment la deuxième ligne de soins.

Ces hôpitaux, où sont employés uniquement des médecins généralistes, possèdent plusieurs départements, dont l’obstétrique-gynécologie, la maternité, la pédiatrie, la chirurgie, la médecine interne et la santé mentale. On y traite entre autres les maladies infectieuses, dont la malaria, la tuberculose et le VIH, les traumas mineurs et les maladies chroniques comme le diabète en plus de prendre en charge les grossesses et les accouchements à risque. Lorsque des soins spécialisés sont nécessaires, les patients sont référés aux centres hospitaliers de référence, qui forment la troisième et dernière ligne de soins. Quatre hôpitaux occupent cette fonction, dont le Centre hospitalier universitaire de Kigali (CHUK). Ces trois lignes de soins permettent donc d’optimiser la prise en charge des patients tout en assurant des soins à proximité de leur domicile.

Laurence Lapointe, stage coup de coeurUne couverture de soins de santé pour toutes et pour tous
Afin d’assurer une accessibilité financière aux soins de santé, le Rwanda s’est muni au début des années 2000 d’un système d’assurance-maladie formé de trois programmes. Le premier programme d’assurance-maladie à avoir été mis en place est celui de l’assurance-maladie sociale, qui comprend deux volets distincts : la Rwandaise d’assurance-maladie (RAMA), qui couvre les travailleurs du secteur économique formel, et l’assurance-maladie militaire (MMI). Dans ces deux systèmes d’assurance-maladie, le patient et l’employeur se partagent le paiement d’une prime d’assurance annuelle. Cette assurance-maladie ne couvre que 6 % des Rwandais, la population étant majoritairement rurale.

Afin d’assurer une couverture médicale aux Rwandais du milieu agricole, un programme d’assurance-maladie communautaire appelé la Mutuelle de santé a été mis en place. Moyennant une prime annuelle de 3 000 francs rwandais par personne, soit l’équivalent de 4,84 $ canadiens, chaque famille peut bénéficier de cette assurance-maladie, qui couvre 90 % des frais de santé. En cas d’épisode de soins, les patients n’ont ainsi qu’à débourser 10 % du coût total des soins. En 2008, 85 % de la population rwandaise bénéficiait de la Mutuelle de santé. Les programmes d’assurance-maladie sociale et communautaire combinés couvraient donc à ce moment plus de 91 % de la population. Malgré une augmentation non négligeable de l’accessibilité financière aux soins de santé dans les dernières années, la partie la plus pauvre de la population demeure dans l’impossibilité de se munir d’une Mutuelle de santé. Ces patients indigents peuvent bénéficier du Fonds national de solidarité.

Un système financé par plusieurs partenaires
Le système de santé rwandais est ainsi financé par plusieurs partenaires : le gouvernement finance un peu moins de 25 % du système de santé via des fonds publics (versus 70,1 % pour le Canada) tandis que les partenaires de développement et le système de Mutuelles de santé en financent les 75 % restants. L’instauration du programme de Mutuelles de santé a donc augmenté significativement le financement du système de santé dans les dernières années, ce qui a permis d’investir dans les secteurs de la pharmaceutique, des traitements en externe et de la prévention et santé publique. En effet, alors qu’en 2000, les dépenses de santé du Rwanda représentaient 4,2 % du PIB, elles en représentaient 10,7 % en 2012, un pourcentage comparable aux dépenses en santé du Canada (10,9 % du PIB). De tels investissements ont mené notamment à un gain de 15 ans d’espérance de vie et à de grands progrès dans les domaines de la santé maternelle et infantile, diminuant la mortalité maternelle et la mortalité infantile avant 5 ans de 50 %, le tout en seulement 10 ans.

Les progrès effectués en santé au Rwanda sont donc non négligeables. Malgré cela, certains enjeux sont toujours d’actualité : notons le peu de ressources humaines, les soins étant dispensés grâce à seulement 0,1 médecin et 0,7 infirmiers et sages-femmes par 1 000 habitants, et la prévalence du VIH, qui touche toujours 3 % de la population. Malgré tout, considérant que le Rwanda s’est relevé de façon remarquable d’un des pires génocides de l’histoire en peu de temps et considérant les progrès effectués en matière de santé dans les dernières années, les prochaines années s’annoncent encourageantes.

Malgré qu’il faille assurément plus de quatre semaines pour saisir toutes les subtilités d’un système de santé, en connaître les grandes lignes est sans aucun doute essentiel pour comprendre les différences perçues dans la pratique médicale du quotidien. Faire l’exercice avant de partir en stage à l’étranger m’apparaît donc comme un incontournable pour retirer le maximum de cette expérience! Pour les étudiants souhaitant s’informer sur les systèmes de santé de par le monde, je vous réfère aux sites internet de l’Organisation mondiale de la santé et de la Banque mondiale.

Laurence Lapointe, stage coup de coeurLaurence Lapointe
Étudiante de 3e année, Université de Sherbrooke

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