En préparant un atelier sur le projet de loi no 20 (PL-20), pour un dîner avec nos membres et les présidents des GIMF, mes pensées divaguaient. Cela fait au-delà de quatre mois que je nage dans les eaux tumultueuses de ce projet de loi. Quatre mois à gérer de la colère, de l’indignation, de la peur et de la révolte, la mienne, celle de mes collègues et celle de nos membres. Quatre mois à être témoin de ces frasques, de ces attaques et de cette polarisation sans précédent. Quatre mois à vivre de l’inconfort et un grand sentiment d’impuissance. Le gouvernement est majoritaire. Comment peut-on le raisonner?
Nous avons déposé notre mémoire, avons comparu en commission parlementaire et avons accordé quelques entrevues. Nous aurions pu avoir le sentiment du devoir accompli, mais l’inconfort persiste.
C’était un lundi d’avril où après avoir eu trois (3) belles journées de soleil à 15 degrés, on a flirté avec le zéro, petite neige mouillée sur ciel gris en toile de fond. Mes lectures sur la pleine conscience me sont revenues.
Il y a surtout le procès d’intention qui m’a le plus dérangée. Le fait qu’on ait insinué, d’entrée de jeu, que les médecins de famille n’avaient aucunement l’intention ou la capacité d’améliorer la situation, de s’autogérer, de contribuer à la solution. Il a laissé une grande morosité chez les médecins de famille, ce procès d’intention.
Vous connaissez la pleine conscience? Il s’agit d’une pratique où l’on observe l’expérience d’être en vie; les sensations, les émotions, les pensées. On les contemple, on en prend note, sans jugement. Une manière d’être avec la vie sans y réagir. L’intérêt est d’avoir accès à autre chose que nos réactions quand la vie nous balance quelque chose. Quand ce qu’elle nous balance est quelque chose d’heureux, nos réactions sont généralement assez inoffensives, mais lorsqu’elle nous balance quelque chose de moins agréable, nos réactions peuvent être contreproductives.
En prenant le temps de noter ce qui est présent comme émotion, de respirer, on développe la possibilité de choisir l’action qui suivra, et non simplement d’opérer selon notre réaction spontanée.
Donc, je suis devant mon ordi, par ce lundi pluvieux, je réfléchis au PL-20, la morosité est à son comble et je choisis d’observer. Mais qu’est-ce qui me rend le plus mal à l’aise avec le PL-20? Qu’est-ce qui est si difficile? Il y a que c’est un mauvais plan qui n’améliorera pas la santé de nos populations, mais en toute honnêteté, il y a des tonnes de mauvais plans faits par des tonnes de personnes et ça ne m’affecte généralement pas ainsi…
Il y a surtout le procès d’intention qui m’a le plus dérangée. Le fait qu’on ait insinué, d’entrée de jeu, que les médecins de famille n’avaient aucunement l’intention ou la capacité d’améliorer la situation, de s’autogérer, de contribuer à la solution. Il a laissé une grande morosité chez les médecins de famille, ce procès d’intention.
Et la méditation dans tout ça? Eh bien, en méditation, on observe le tout, on prend le temps d’être avec la morosité, avec l’indignation, tout en respirant, tout en desserrant la mâchoire et on se recentre sur ce qui est important : ici et maintenant.
Pour moi, ici et maintenant, ce qui a du sens ce n’est pas de faire le procès d’intention du Dr Barrette. Ici et maintenant, ce qui est important c’est le dialogue, c’est de mobiliser les membres du CQMF autour de projets qui vont faire une différence pour la santé de nos patients, pour la confiance de nos étudiants, de nos résidents et de nos médecins en début de carrière, c’est de continuer de faire connaître et reconnaître cette belle spécialité, c’est de me laisser inspirer par cette énergie constructive qui habite la très grande majorité des médecins de famille que je connais.
Et vous, qu’est-ce qui vous inspire, ici et maintenant?
Maxine Dumas Pilon, M.D., CCMF
Présidente du Collège québécois des médecins de famille