Quand un médecin de famille part en campagne… électorale

Quand un médecin de famille part en campagne… électorale

Dr Simon-Pierre Landry

Le monde de la politique est réputé être difficile à naviguer pour les nouveaux venus, mais la médecine de famille, spécialité que pratique Dr Simon-Pierre Landry, l’aura préparé pour le nouveau rôle qu’il espère endosser auprès de ses patients. Le 19 octobre prochain, celui-ci tentera d’être élu comme député fédéral sous la bannière du Nouveau Parti Démocratique (NPD) dans la circonscription de Laurentides-Labelle, où il pratique depuis la fin de sa formation postdoctorale. Entre médecine et politique, la frontière est floue pour ce jeune omnipraticien qui milite pour une meilleure accessibilité aux soins.

C’est après un parcours l’ayant mené à travailler dans quatre provinces et deux territoires que Dr Landry établit sa pratique médicale dans le cadre pittoresque des Laurentides, à Sainte-Agathe-des-Monts. Présentement chef du service des soins intensifs de l’hôpital Laurentien, il y œuvre en tant qu’urgentiste et omni-intensiviste. Il s’est installé dans les Laurentides après avoir complété sa résidence en médecine de famille à Nanaimo, en Colombie-Britannique, ainsi qu’une année de formation supplémentaire via le programme de compétences avancées (« R3 ») en urgence du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC).

Dr Pierre-Simon LandryUne spécialité polyvalente
À Sainte-Agathe, les médecins de famille sont les médecins traitants à l’hôpital et peuvent compter sur des spécialistes consultants disponibles au besoin. L’hospitalisation et la prise en charge relèvent entièrement des omnipraticiens et, comme le souligne Dr Landry, « le patient bénéficie d’une approche globale de ses besoins, et d’une belle continuité dans les soins reçus ». Le choix de travailler dans un hôpital régional ne tient pas du hasard : la polyvalence de la pratique familiale à Ste-Agathe est ce qui y a attiré le jeune médecin dans la région.

Cependant, une semaine à chaque deux mois, il quitte l’hôpital de Ste-Agathe pour faire du dépannage dans des milieux plus ruraux ou éloignés, comme Rivière-Rouge, près de Mont-Tremblant, Ville-Marie au Témiscamingue ou Yellowknife, dans les Territoires-du-Nord-Ouest. « Il y a un challenge de plus qui change de la routine, et c’est ce que j’aime beaucoup en tant que médecin travaillant à l’urgence », déclare-t-il. Contrairement aux milieux plus urbanisés, les petits hôpitaux ont des ressources autant matérielles qu’académiques limitées, ce qui oblige à faire preuve de débrouillardise.

Savoir communiquer, une habileté
Lorsqu’on « est seul avec sa machine à échographie dans une salle d’urgence en milieu éloigné », il n’est pas étonnant de développer de façon précoce une grande adaptabilité et une bonne tolérance au stress, qualités essentielles pour un bon médecin de famille, mais aussi pour un aspirant politicien. « Être médecin me rend meilleur politicien, et être politicien me rend meilleur médecin », décrète Dr Landry avec une certaine fierté dans la voix. « On développe tellement d’aptitudes en médecine [de famille] », renchérit-il en rappelant qu’une pratique en médecine famille permet de développer des habiletés communicationnelles et de l’empathie, deux habiletés essentielles en politique.

« Ce qui fait un bon médecin de famille », révèle l’omnipraticien, « ce ne sont pas seulement nos connaissances, mais nos capacités à communiquer ». En plus d’aller à la rencontre des patients, il faut également savoir vulgariser, peu importe la langue, le niveau de scolarité ou le profil sociodémographique de nos patients. « On doit être capable de vulgariser et de parler dans les mots que le patient peut comprendre ».

Trop peu de médecins de famille en politique?
Dr Landry déplore cependant que, malgré les compétences dont font preuve les médecins de famille, peu d’entre eux s’engagent politiquement. « On a les compétences pour comprendre comment les politiques publiques ont des impacts sur nos patients et le système de santé, et des compétences de communication, mais on est tellement occupés que plusieurs médecins n’ont pas le temps [de s’impliquer] », ajoute-t-il.

C’est en tant que résident en médecine familiale qu’il avait été sensibilisé aux impacts des déterminants sociaux de la santé chez ses patients. Puis, après avoir amorcé sa pratique clinique, il s’est intéressé à l’influence de la politique pour améliorer le système de santé. « J’ai vu que, par l’action politique et l’engagement public, on pouvait changer les choses », constate-t-il avec conviction. « Je ne parle pas de politique partisane nécessairement, mais également de s’impliquer dans des causes ou à travers des organisations », rappelle le néo-démocrate à l’approche du scrutin.

Dr Simon-Pierre LandryS’engager, après la campagne
Outre sa présente campagne électorale qui l’occupe à temps plein, d’autres projets remplissent l’horaire du Dr Landry. Membre du conseil d’administration de l’AJMQ (Association des jeunes médecins du Québec) et du ROME (Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée), ainsi que chroniqueur pour le magazine Santéinc.com, le Dr Landry croit que les jeunes médecins constituent un moteur de changement en médecine : « J’ai pratiqué juste assez longtemps pour comprendre le système et pour connaître ses problèmes, mais ma jeunesse me donne l’énergie pour ne pas les voir comme une fatalité ».

Peu importe l’issue de la campagne électorale, ce qui importe pour Dr Landry est avant tout la défense de l’accessibilité aux soins. Après tout, la politique lui permet d’aborder les enjeux avec une vision populationnelle.  « C’est de la santé publique ! », affirme-t-il, en rappelant que Virchow avant déjà suggéré que « la politique n’est rien que de la médecine à une plus grande échelle ».

Entre les soins hospitaliers et les obligations politiques, Dr Landry prépare, avec l’aide de plusieurs collègues, le lancement de la branche francophone d’Upstream, un mouvement pancanadien adressant les déterminants sociaux de la santé. Il espère que la santé—et non seulement le système de santé —devienne, une fois pour toutes, un sujet d’actualité politique au service des patients.

Nina NguyenNina Nguyen
Université de Sherbrooke

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