Toute cette histoire a débuté il y a de cela trois ou quatre ans, au début de ma deuxième année de bac.
Pendant un examen de routine au sans rendez-vous de la clinique de l’UdM, je mentionne que j’ai remarqué une bosse dans mon cou, en avant, un peu à gauche de ma trachée. On me prépare une requête pour une échographie afin de s’assurer que tout est sous contrôle. Ça me va. De toute façon, tout ne peut être que sous contrôle.
Deux échographies plus tard cependant, on m’annonce que j’ai un nodule suspect à la thyroïde et que je dois prendre un rendez-vous à l’hôpital pour qu’on me fasse une biopsie à l’aiguille. Comme l’idée de me faire insérer une énorme seringue dans le cou ne m’enchante pas plus qu’il ne le faut, et que je suis toujours convaincue qu’il n’y a aucune raison de s’affoler, je reporte la prise de ce rendez-vous.
Quelques temps plus tard, je me retrouve encore à la clinique de l’UdM. Ce matin-là, je rencontre cette femme médecin pour la première fois. Cette rencontre marquera le début d’une longue et périlleuse aventure mais surtout, d’une relation patiente-médecin qui fera toute la différence dans ma vie.
Pendant qu’elle lit mon dossier, qu’elle voit pour la première fois, elle me demande si je suis allée faire la dite biopsie. Je lui dis que non mais que je compte bien la faire sous peu. Sans hésitation, elle décroche le téléphone et prend pour moi, « live », un rendez-vous avec une ORL, aussi chirurgienne spécialiste de la tête et du cou, qui fait ce type de biopsie.
Je suis un peu sous le choc. C’est la première fois que je vois un médecin être aussi impliquée et proactive, mais surtout, ça veut dire que je ne peux plus reculer et que je devrai bien me présenter au rendez-vous. Accompagnée d’une amie pour me donner du courage, je m’y rends et fais les tests demandés. Finalement, la biopsie révèle une suspicion de cancer de la thyroïde.
Par la suite, les choses s’enclenchent plutôt rapidement. Une première chirurgie confirme un cancer papillaire de la thyroïde. Suit une deuxième chirurgie et un traitement de radiothérapie. Tout se déroule en même temps que je poursuis mes études. Deux années d’études à temps plein pendant lesquelles je me bats contre le cancer. Mon moral est plutôt bon, malgré la fatigue physique due autant aux traitements qu’aux interminables ajustements d’hormones que je dois maintenant prendre en pilule, chaque jour. Je termine mes traitements en même temps que mon bac, épuisée physiquement par ces deux années mais contente d’avoir réussi à traverser tout ça la tête haute.
Tout semble maintenant s’améliorer pour moi. Mes traitements sont terminés, je suis acceptée en médecine et j’ai devant moi tout un été pour me remettre en forme. Je me dis que ces quelques mois de repos seront amplement suffisants pour que je reprenne les études en force à l’automne. Malheureusement, je n’aurais pas pu avoir plus tort.
La première session de médecine débute et tout va de mal en pis. Je suis complètement épuisée, autant physiquement que mentalement. Je suis incapable de sortir du lit, encore moins d’étudier. Je passe la majorité de mon temps couchée, ne me présente à reculons qu’à quelques cours obligatoires. Toute mon énergie est concentrée à essayer, chaque jour, de survivre à une nouvelle journée. Je n’ai plus de contrôle sur ma santé physique ni mentale, et je n’ai plus confiance en mon corps. Malgré tous mes beaux projets, mon corps et ma tête ne veulent plus suivre. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je ne comprends pas que ce soit maintenant, au moment où tout pourrait aller mieux, que je m’enfonce de plus en plus et vais de moins en moins bien. La santé mentale est parfois une bien curieuse chose.
Je retourne donc voir la femme médecin à la clinique de l’UdM et lui explique, déroutée, ce qui m’arrive. Tout de suite, elle est merveilleusement à l’écoute. Elle écoute mon histoire décousue et comprend ma difficulté à tenter d’expliquer mes symptômes, invisibles mais pourtant bien réels. Elle me place en congé maladie et me fait débuter un traitement pour dépression majeure. Elle me propose aussi de devenir mon médecin de famille afin de pouvoir suivre de près mon dossier. Je me sens comprise et supportée.
Les choses ne s’améliorent pas tout de suite pour moi, par contre. La première médication entreprise ne fait pas son effet. Mes symptômes perdurent et j’ai toujours l’impression d’avoir un immense vide à la place du cœur. Je présente aussi maintenant plusieurs symptômes bipolaires importants, je suis dans un état de chaos, je passe d’une humeur à une autre en le temps de le dire, je n’arrive plus à m’occuper même de mes besoins de base.
Je comprends encore davantage maintenant toute l’influence que peut avoir un bon médecin de famille dans la vie de ses patients.
C’est vraiment très difficile d’expliquer ou de nommer des symptômes liés à un problème de santé mentale. Tout est plutôt flou, il n’y a pas beaucoup de concret. C’est difficile d’expliquer qu’on a un grand trou à la place du cœur et qu’on n’est plus trop sûre de qui on est. Qu’on pose des actions qui ne nous ressemblent pas et qu’on se sent complétement perdue. Je me considère très chanceuse par contre, car j’ai eu la chance de lui raconter tout ça à elle. À chaque rencontre, elle m’écoute, me comprend, me supporte. Et tout ça, avec dévouement, respect et sans jugement.
Afin qu’on puisse m’aider davantage, je commence à être suivie en psychiatrie à intervalles réguliers. Mais c’est toujours ma nouvelle médecin de famille qui s’occupe de moi de façon continue et à intervalles rapprochés. Elle est mon point de repère durant tout ce processus, qui dure plus d’un an.
Aujourd’hui, je vais mieux. Je recommence ma première année de médecine cet automne et je lui attribue une grande partie de ce succès. Et je comprends encore davantage maintenant toute l’influence que peut avoir un bon médecin de famille dans la vie de ses patients. Non seulement au niveau de leur santé physique et mentale, mais aussi au niveau de leur vie en général. Avec une bonne écoute, de la compréhension, du respect et une volonté d’aider, un médecin peut aider un patient à améliorer considérablement sa qualité de vie. Il peut l’aider à se sentir mieux avec lui-même et même à devenir une meilleure version de lui-même. Et évidemment, un bon médecin de famille peut sauver des vies, comme la mienne a été sauvée par cette médecin, plus d’une fois.
Bref, un bon médecin de famille peut faire une différence, et même toute la différence, dans la vie de ses patients. C’est un rôle important. Et aujourd’hui, je suis heureuse d’entreprendre ces études qui me donneront, à moi aussi, la chance de faire une différence positive dans la vie des gens.
Merci au Dre Thérèse Béland de la clinique médicale de l’UdM pour son aide, son dévouement et sa présence.