Les derniers mois ont mis à dure épreuve les médecins de famille et l’image de notre profession. Le dépôt du projet de loi 20 (PL20) l’automne dernier, les débats et négociations qui s’en sont suivis, puis l’arrivée d’une entente au printemps nous ont fait passer par une large gamme d’émotions, allant de la colère et l’incompréhension à l’espoir et la solidarité. L’impact potentiel du PL20 sur le choix de la médecine de famille comme spécialité par les étudiants en médecine a été maintes fois évoqué. Ces bouleversements ont très certainement suscité des hésitations et des craintes chez les étudiants.
Qu’en est-il de l’influence réelle sur les admissions en 2015? Selon les plus récents rapports du Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS), 38,2 % des étudiants des quatre facultés de médecine du Québec avaient comme premier choix la médecine de famille en 2015, contre 36,3 % en 2014, ce qui dénote une très légère hausse. Cependant, le choix des étudiants s’étant effectué avant l’arrivée du PL20 en novembre 2014, ce n’est qu’en 2016 que les retombées tangibles pourront être mesurées. Et même si les soubresauts du PL20 ne se traduisent pas à court terme par une baisse des admissions, il y a indiscutablement eu une atteinte à la perception que peuvent avoir les étudiants de notre profession. N’attendons donc pas une catastrophe pour redoubler d’efforts afin de valoriser la médecine de famille. Des solutions simples et accessibles peuvent nous aider à y parvenir.
Dans toutes les facultés de médecine du Québec, les Groupes d’intérêt en médecine familiale (GIMF) sont très actifs. Cette publication n’est qu’une de leurs nombreuses réalisations! On peut affirmer sans hésiter que les GIMF ont joué un rôle majeur dans la valorisation de la médecine de famille dans les dernières années. S’ils convainquent chaque année un grand nombre d’étudiants de l’attrait de notre spécialité, c’est bien sûr grâce aux efforts chevronnés d’étudiants engagés, mais aussi grâce au soutien des universités et d’organismes comme le Collège québécois de médecins de famille (CQMF). L’appui aux GIMF doit continuer et même s’accroître afin qu’ils aient les moyens de poursuivre leur travail essentiel.
Les étudiants en médecine font leurs stages les yeux et oreilles grands ouverts, observant tout ce qui se passe autour d’eux. La rencontre avec un médecin qu’ils jugent inspirant peut être déterminante dans leur choix de carrière. À l’inverse, un modèle négatif ou des commentaires désobligeants envers une spécialité peuvent rapidement les faire changer d’idée. Lors d’une rencontre entre les présidents des GIMF (tous des étudiants en médecine) en avril dernier, plusieurs ont rapporté des commentaires surprenants faits par des médecins de famille au cours des derniers mois : «Ne vas pas en médecine de famille», «Si c’était à refaire je choisirais une autre spécialité», «La situation ne peut que s’aggraver, réfléchis bien avant de t’embarquer». Les étudiants qui témoignaient faisaient partie d’un GIMF et étaient donc déjà «vendus» à la médecine familiale. Imaginez l’effet que peuvent avoir de tels commentaires sur un étudiant qui hésite encore et qui est en pleine réflexion sur son choix de carrière. Les médecins de famille se doivent de garder un discours positif lorsqu’ils sont en contact avec des étudiants en médecine, que ce soit lors de cours ou d’activités cliniques.
Force est d’admettre que la menace du PL20 et les débats qui en ont découlé n’ont pas eu que des répercussions négatives. Premièrement, l’accessibilité aux soins a été remise au cœur du débat; tous ont compris qu’elle est un élément clé dans la qualité des soins que nous offrons. Une grande importance a été accordée aux patients, à leur vision des soins de première ligne et aux moyens d’améliorer leur satisfaction. La présence dans les médias de nombreux médecins de famille engagés a mis en évidence le leadership de cette profession et sa volonté de changer les choses pour le mieux. Toutes ces retombées positives doivent être communiquées aux étudiants.
Quant au CQMF, le développement de l’excellence des soins de première ligne au Québec passe par le modèle du Centre de médecine de famille (CMF) conçu par le CMFC. Avec ses dix piliers, cette formule rejoint les valeurs des jeunes médecins et des étudiants. En effet, issus de la génération Y, nous valorisons l’autonomie, l’efficacité et la polyvalence. Nous privilégions le travail d’équipe, autant pour améliorer les soins que notre équilibre de vie. Ce modèle novateur, ayant déjà fait ses preuves ailleurs au Canada, doit être préconisé auprès des étudiants. Ce genre de solutions à différents problèmes en soins de première ligne ne peut que leur donner envie de s’engager dans la médecine de famille.
La crise vécue dans les derniers mois est décrite par certains comme sans précédent; d’autres affirment que le visage de notre profession est changé à jamais, qu’il y aura un avant et un après PL20. Tous ces chambardements sont susceptibles d’influencer le choix de carrière des étudiants en médecine. C’est pourquoi la valorisation de notre profession doit rester au cœur de nos priorités. Nous devons aborder les enjeux reliés à l’accessibilité et à l’organisation des soins de première ligne avec les étudiants. Ainsi, nous leur donnerons une image forte de la médecine de famille, celle d’une profession engagée, solidaire et dévouée à la qualité des soins qu’elle prodigue à ses patients.