L’été dernier, j’ai réalisé un stage de huit semaines à Point de repères, un organisme communautaire du quartier Saint-Roch qui œuvre en prévention et éducation des ITSS et de la toxicomanie auprès des populations vulnérables.
Prélude sur l’organisme
Point de repères prône la réduction des méfaits, une approche peu conventionnelle qui vise à agir sur la prévention des conséquences néfastes d’un comportement plutôt que sur le comportement en soi. Ainsi, l’organisme distribue des condoms et du matériel de consommation stérile, comme des seringues, et offre un service de récupération de seringues souillées. C’est un lieu où les personnes qui bénéficient des services de l’organisme peuvent exister pleinement, sans jugement par rapport à leur toxicomanie ; un sujet souvent tabou des autres organismes communautaires. Cette ouverture d’esprit permet aux intervenants de renseigner les utilisateurs des risques de leur consommation et des solutions pour diminuer ceux-ci. Loin d’être moralisateurs, ces employés sont d’une grande écoute pour les participants et d’une empathie énorme. Par ailleurs, cet organisme du quartier Saint-Roch engage aussi bien des professionnels que d’anciens toxicomanes. La clientèle de Point de repères n’est toutefois pas représentative de l’ensemble des toxicomanes, qui peut comprendre avocats, comptables et professionnels de la santé. En effet, l’organisme est majoritairement spécialisé auprès des personnes qui sont soit en situation d’incarcération, pratiquant le travail du sexe, vivant avec le VIH/Sida, les hépatites ou encore en situation d’itinérance ou de désaffiliation.
Point marquant de ma formation professionnelle
Ainsi, le 6 juillet 2015, j’arrive au 225 Dorchester remplie d’attentes, d’appréhensions et, bien malgré moi, de préjugés, loin de m’imaginer à quel point les huit prochaines semaines bouleverseront à tout jamais ma future carrière en tant que médecin. Tout d’abord, mon envie de sortir de ma zone de confort, de vivre des chocs de valeurs et mon ignorance sur ce sujet m’ont poussé à vouloir réaliser ce stage. En outre, consciente de mes préjugés envers cette clientèle, je désirais aller directement à la source pour comprendre leur réalité et de ce fait invalider, ou encore, confirmer mes idées préconçues. Donc, pendant deux mois, à raison de quatre jours par semaine, j’ai été stagiaire, non pas de médecine, mais bien d’intervention en milieu communautaire. Ainsi, j’étais la plupart du temps au site fixe où je discutais avec les participants et où j’ai eu la chance de tisser des liens avec des personnes extraordinaires. Le langage cru et même vulgaire et les sujets touchants au sexe et à la drogue faisaient partie du pain quotidien. Cependant, cela démontre bien la confiance des participants envers l’organisme. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’entendre plusieurs histoires de vie au cours de mon stage, ce qui m’a été d’une grande aide pour comprendre la réalité et le cheminement des participants de Point de repères.
J’ai aussi pu toucher aux autres volets de l’organisme. J’ai accompagné deux fois une travailleuse de rue, pris part à une séance du Dragon qui dort ; groupe de soutien pour les personnes atteintes de l’hépatite C, été dans l’unité mobile pour une soirée et j’en passe. Bien que j’ai vécu quelques situations difficiles qui m’ont octroyé bon nombre d’interrogations, ce que je retiens le plus de mon été fut les gens attachants, drôles et touchants que j’ai rencontrés. La trace que j’ai laissée dans la vie des participants est probablement très minime, mais l’inverse est tout à fait différent ! En ce qui concerne ma formation personnelle, j’ai énormément grandi. J’ai appris à mettre mes limites, à plus m’affirmer et à mieux me connaître. J’ai notamment acquis une plus grande ouverture d’esprit et solidifié des principes et valeurs. En contrepartie, ce stage a sans aucun doute égayé mes connaissances médicales sur les drogues et ITSS. Je pouvais demander directement à une personne qui utilise régulièrement des substances illicites les raisons de sa consommation, l’effet recherché et les conséquences. Ce stage a confirmé mon désir de vouloir travailler auprès de cette clientèle dans ma future pratique. Je le recommande fortement à tout étudiant en médecine !
Léa Sanscartier
3e année du préclinique
Université Laval