Cet article a pour but de faire un tour d’horizon sur les soins palliatifs et l’état actuel de la situation au Québec concernant l’aide médicale à mourir. J’ai eu la chance de m’entretenir avec Dre Natalia Vo, médecin de famille, sur ces sujets. Très impliquée au niveau des enjeux entourant le système de santé au Québec, Dre Vo fait entre autres partie de l’équipe de soins palliatifs de l’Hôpital du Sacré Cœur de Montréal, en plus de pratiquer à l’urgence et de faire de la prise en charge auprès d’une clientèle de pédopsychiatrie, entre autres.
Qu’est-ce que les soins palliatifs?
Les soins palliatifs visent à soulager la souffrance physique et psychologique, à améliorer la qualité de vie et à accompagner le patient et sa famille dans la fin de vie et le cheminement vers la mort. Sans hâter ni retarder la mort, l’objectif des soins palliatifs est d’offrir du soutien aux patients en fin de vie et peuvent également être offerts plus tôt au cours de la maladie, en complément aux traitements curatifs. Les soins palliatifs, en contraste avec l’aide médicale à mourir, « sont destinés aux personnes de tous les âges aux prises avec une maladie pouvant compromettre leur survie, à plus ou moins brève échéance ». 1
Au Québec, les soins palliatifs sont souvent orchestrés par une équipe multidisciplinaire formée par exemple par des médecins, des infirmiers, des psychologues, des intervenants spirituels et des travailleurs sociaux.
On peut avoir recours à la sédation palliative continue comme option thérapeutique dans certains contextes de soins palliatifs. Ce soin consiste « en l’administration de médicaments à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci ou d’un proche, dans le but de soulager ses souffrances en la rendant inconsciente, de façon continue, jusqu’à son décès. Pour recevoir ce soin, la personne doit donner son consentement de manière libre et éclairé. Si la personne est inapte à consentir aux soins, son représentant pourra consentir à la sédation palliative continue, ce qui n’est pas le cas pour l’aide médicale à mourir. 1
Les patients et les familles confondent souvent la sédation palliative continue et «l’euthanasie» et c’est pourquoi il est important de prendre le temps d’expliquer correctement les soins offerts dans le contexte des soins palliatifs.
L’aide médicale à mourir … au Québec!
L’aide médicale à mourir est une intervention exceptionnelle où un médecin, à la demande d’un patient en fin de vie, lui administre des médicaments dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès. Cela contraste avec le principe des soins palliatifs où les interventions ne visent pas à causer la mort du patient. 2
Le 6 février 2015, la Cour Suprême du Canada a rendu une décision unanime invalidant l’article du code criminel qui interdit à un médecin d’aider un patient à s’enlever la vie dans des circonstances bien précises. La Cour Suprême a en effet jugé que cet article allait à l’encontre de la charte canadienne des droits et libertés et était donc inconstitutionnel.
La Cour Suprême avait alors accordé un délai aux gouvernements fédéral et provinciaux afin de modifier la législation. Un comité de 5 sénateurs et de 11 députés fédéraux a été formé afin de légiférer pour encadrer l’aide médicale à mourir. Le jugement Carter, qui autorisera l’aide médicale à mourir, entrera en vigueur en juin 2016.
De son côté, le Québec est allé de l’avant avec la Loi québécoise sur l’aide médicale à mourir qui fût adoptée par le gouvernement Couillard. Cette loi, entrée en vigueur le 10 décembre dernier, fait suite aux recommandations d’une Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. La loi comporte deux volets. D’abord, elle se penche sur « les droits, l’organisation et l’encadrement relatifs aux soins de fin de vie, qui comprennent : les soins palliatifs, incluant la sédation palliative continue, et l’aide médicale à mourir ». Deuxièmement, elle reconnaît « la primauté des volontés exprimées clairement et librement, par la mise en place du régime de directives médicales anticipées ». 2
Cette loi stipule que « seule une personne majeure et apte à consentir à des soins peut demander de recevoir l’aide médicale à mourir. Aucune autre personne ne peut le faire à sa place. De plus, pour recevoir ce soin, la personne en fin de vie doit absolument répondre à tous les critères prévus par la Loi ». 2
Ces critères sont les suivants : être assuré au sens de la Loi sur l’assurance maladie, être majeur, être apte à consentir aux soins, être en fin de vie, être atteint d’une maladie grave ou incurable, avoir une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, éprouver des souffrances physiques ou psychologiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables. 2
Il est important de savoir qu’aucun professionnel de la santé ne peut ignorer une demande d’aide médicale à mourir. La loi mentionne toutefois qu’un médecin a le droit de refuser d’administrer l’aide médicale à mourir si cela va à l’encontre de ses valeurs personnelles. Le cas échéant, il doit s’assurer d’enclencher les démarches rapidement pour trouver un autre médecin qui répondra à la demande du patient.
Quel est le rôle du médecin de famille en soins palliatifs?
Tel que mentionné précédemment, les soins palliatifs impliquent une collaboration entre plusieurs intervenants afin d’offrir des soins de qualité qui sont adaptés à la condition clinique et aux souhaits du patient et de sa famille.
Selon Dr Natalia Vo, le médecin de famille joue un rôle très important dans l’équipe puisqu’il doit comprendre la cause des symptômes du patient pour être en mesure de mieux les traiter. Il est la pierre angulaire du soulagement des souffrances physiques, et souvent psychologiques, du patient. Elle ajoute que « dans un contexte de soins palliatifs, le médecin entretient une relation privilégiée avec son patient, puisqu’il a plus de temps à lui consacrer et peut ainsi l’accompagner dans son cheminement psychologique».
Les infirmiers, en plus d’être les yeux et les oreilles des médecins, offrent parfois des soins complets aux patients (coiffure, hygiène corporelle, etc.). Ce sont les infirmiers qui sont responsables d’administrer les protocoles de détresse préalablement prescrits par les médecins.
Les conflits familiaux qui font souvent surface en fin de vie pourront être gérés par le travailleur social qui fera également les liens avec le notaire au besoin. Le support du psychologue et des intervenants en soins spirituels est très utile pour soutenir le patient et la famille à travers la détresse psychologique, le deuil, l’anxiété et le trouble d’adaptation qui font souvent l’objet de grande souffrance.
Que diriez-vous à un résident ou à un jeune médecin de famille qui souhaite orienter sa pratique vers les soins palliatifs ?
Étant donné que plusieurs étudiants ont beaucoup d’appréhension face aux soins palliatifs, Dre Vo suggère dans un premier temps de faire quelques stages en soins palliatifs. Elle mentionne que les étudiants qu’elle rencontre sont souvent agréablement surpris et apprécient leur expérience plus qu’ils ne l’auraient imaginé.
Dre Vo explique qu’il faut être à l’écoute de notre instinct et de nos sentiments intérieurs pour savoir si l’on est confortable avec l’idée que la mort fait partie de la vie et que notre rôle en soins palliatifs est d’accompagner le patient à travers cette étape. Elle ajoute : « La pratique de soins palliatifs n’est pas triste et sombre; elle est lumineuse et heureuse, lorsqu’on pense que le patient vit un moment difficile et que l’on peut que lui apporter du bien ».
Qui seraient les mieux placés pour offrir l’aide médicale à mourir aux patients?
Bien que plusieurs soient d’accord avec la nouvelle législation sur l’aide médicale à mourir, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un acte délicat avec lequel de nombreux médecins ne sont pas à l’aise. Quels médecins sont les mieux placés pour répondre à cette demande ? Est-ce les anesthésistes, les psychiatres ? Les médecins en soins palliatifs peuvent-ils introduire cet acte dans leur pratique ? Est-ce que le travail revient au médecin de famille qui connaît bien son patient ?
La réponse est loin d’être simple. Pour l’instant, il semble que le ministère de la santé ait lancé un appel à tous les médecins afin de s’assurer qu’il y aurait un médecin volontaire pour chaque CISSS afin que tous les territoires puissent répondre à une éventuelle demande.
Dre Natalia Vo a encore une fois un point de vu très pertinent sur la question. À première vue, on peut penser qu’étant donné que les médecins en soins palliatifs sont ceux qui travaillent le plus avec les patients en fin de vie, ils sont les mieux placés pour offrir l’aide médicale à mourir. Or, plusieurs de ces médecins éprouvent une certaine réticence puisque «le but des soins palliatifs est de soulager les souffrances pour permettre un parcours vers le décès le plus sereinement possible. Le fait d’accélérer le processus ne fait pas partie de la mission des soins palliatifs ». Dr Vo ajoute également qu’il y a un danger de confusion des rôles si le même médecin prodigue des soins palliatifs et offre l’aide médicale à mourir. En effet, plusieurs patients qui entendent parler de soins palliatifs ont peur qu’on les « euthanasie » et refusent d’emblée de recevoir ce type de soins.
Quel est l’impact des changements politiques actuels sur l’accessibilité aux soins de santé et aux soins palliatifs?
Selon Dre Vo, il s’agit de débat collectif important dont la réflexion devra être poursuivi afin d’aborder la question de l’aide médicale à mourir pour les patients qui ne sont pas en fin de vie. En effet, plusieurs cas de maladies dégénératives comme la sclérose latérale amyotrophique, la sclérose en plaques ou encore une maladie de Parkinson, ont fait l’objet de processus judiciaires pour avoir recours à l’aide médicale à mourir. Cependant, selon la loi québécoise actuelle, les personnes qui ne sont pas en fin de vie n’ont pas accès à l’aide médicale à mourir.
Concernant l’accessibilité aux soins de façon générale, Dre Vo mentionne finalement « qu’il est important que les gens comprennent que l’accessibilité aux soins de santé ne passe pas uniquement par l’accessibilité à un médecin de famille. Il s’agit plutôt d’une question d’accessibilité aux plateaux techniques, à la physiothérapie, à la psychothérapie, aux différents spécialistes et aux autres soins paramédicaux. » Il en va de même pour les soins palliatifs où l’accès est insuffisant et auquel plusieurs personnes qui en bénéficieraient n’y ont pas accès.
Références
Pour en savoir plus
- Palli-Science se veut un portail conçu pour le rehaussement des soins palliatifs.
Vous y trouverez du matériel d’enseignement en soins palliatifs touchant les différents thèmes cliniques rencontrés quotidiennement. - Outil de consultation pour les soignants au chevet de leurs malades en phase palliative de cancer (PDF)
- Association québécoise de soins palliatifs
- Association canadienne de soins palliatifs
- Mourir dans la dignité : des précisions sur les termes et quelques enjeux éthiques (PDF)
Chanel Béland
Rédactrice en chef
Externe – Université de Montréal