Pour bien des patients, jeunes comme plus âgés, l’annonce d’un diagnostic de maladie grave peut bien souvent faire l’effet d’une petite bombe qui éclate en silence. Choc initial, annonce aux proches subséquente, changements qui s’imposent aux habitudes de vie, bouleversement du cercle social, colère, deuils, amour, espoir… Bien des montagnes russes se pointent à l’horizon. La présence d’un médecin de famille peut aider à passer au travers de ces moments particulièrement difficiles grâce à l’effet d’ancrage sécurisant qu’offre ce spécialiste qui assure une présence et un suivi constants.
La situation actuelle suscite quelques problématiques. D’abord, les patients consultent leur médecin de famille lors des premiers symptômes. Ils sont ensuite référés à un centre spécialisé pour le diagnostic et le traitement. Dès lors, le médecin de famille n’est plus impliqué dans le suivi du malade et il y a souvent absence de communication entre le centre spécialisé et le médecin de famille.
À travers ce dédale d’intervenants, certains patients se sentent trimbalés d’un médecin à l’autre. Pendant ce temps, la souffrance continue. Les longs délais d’attente pour les consultations avec les spécialistes tendent souvent à fragmenter le patient en une série de systèmes affectés. En réponse à cette problématique, le médecin de famille deviendra un intervenant stable qui fera preuve de compassion et gardera une vision globale du patient. Une fois le diagnostic fait et le traitement amorcé, les occasions pour l’intégration du médecin de famille dans l’équipe interdisciplinaire se situent au niveau de la gestion des effets secondaires de la chimiothérapie et de la douleur. Par ailleurs, il effectue le suivi du malade une fois les traitements actifs terminés et contribue aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie lorsque nécessaire1.
Les maladies graves, comme les cancers et les maladies neurodégénératives, nécessitent un suivi à long terme, généralement assuré par les médecins de famille. Pour les patients en région, ce suivi minimise les transferts en centres secondaires ou tertiaires et permet même un suivi à domicile. La progression de la maladie apporte également une série de deuils. Le rôle du médecin de famille est alors d’apporter un soutien et de référer aux services psychosociaux disponibles. Par ailleurs, qu’une patiente soit atteinte d’un cancer du sein ne l’empêche pas d’être diabétique ou de développer une cystite. Le médecin de famille assure la prise en charge des problèmes de santé intercurrents.
L’’apprentissage de la maladie comme un processus commun entre le patient et son médecin de famille peut contribuer au lien de confiance et améliorer la compréhension du médecin envers le patient et sa maladie.
Lorsque survient une maladie grave, la relation médecin-patient est très importante et nécessite même une approche adaptée. Dans les cas de maladies rares comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), les médecins de famille ont généralement moins de connaissances et d’expérience que le spécialiste de l’organe ou du système concerné, ce qui peut les rebuter à s’investir dans la prise en charge. Cependant, l’apprentissage de la maladie comme un processus commun entre le patient et son médecin de famille peut contribuer au lien de confiance et améliorer la compréhension du médecin envers le patient et sa maladie.
En tant qu’intervenants de première ligne, les médecins de famille pourraient grandement faire bénéficier leur clientèle de cette présence et de cet ancrage sécurisants. Or, la situation n’est pas optimale pour l’intégration des médecins de famille dans la prise en charge des maladies graves. Dans le cas du cancer, le Dr Arnaud Samson, médecin de famille, affirme que les barrières à la pratique de la médecine familiale en oncologie relèvent de la formation incomplète des médecins de famille en oncologie et d’un manque de communication interprofessionnelle, soit des médecins entre eux, soit entre les médecins et les autres professionnels. Aussi, il dénonce les règles de répartition des médecins de famille (PREM, AMP) qui restreignent l’accès à ce type de pratique, mais aussi les perceptions qu’ont les fédérations médicales du rôle du médecin de famille dans la prise en charge du cancer2.
Plusieurs pistes de solution peuvent être envisagées afin de maximiser l’impact positif qu’ont les médecins de famille dans la prise en charge de maladies graves. Selon le Dr Jean-Pierre Ayoub, oncologue au Centre hospitalier universitaire de Montréal, il serait avantageux d’établir des corridors de service entre les soins primaires et les soins spécialisés, d’assurer la formation médicale continue du médecin de famille en oncologie et d’améliorer la communication entre le médecin de famille et les spécialistes1. Il y a donc un travail structurel nécessaire pour faciliter l’intégration des médecins de famille dans de tels continuums de soins.
En somme, la présence d’un médecin de famille dans le suivi de maladies graves peut réellement s’avérer très positive : stabilité, partage du suivi avec d’autres professionnels, diminution des transferts des patients vers les grands centres, traitement de problèmes de santé connexes et soutien psychosocial en sont autant d’avantages évidents. Encore faut-il que ceux-ci aient les ressources nécessaires et qu’une volonté politique et institutionnelle soit au rendez-vous.
Pascale Laveault-Allard, étudiante de 2e année
Université Laval
- AYOUB, Jean-Pierre. Le médecin de famille et les spécialistes en oncologie, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2006
- SAMSON, Arnaud. Démystifier le rôle du médecin de famille pour mieux s’investir, CSSS Manicouagan, 2006
Cet article utilise l’orthographe moderne recommandée.