La santé de la communauté LGBT

La santé de la communauté LGBT

Des pas de géants ont été réalisés dans les dernières années concernant les droits des personnes appartenant à la communauté LGBT. Cependant, plusieurs études récentes laissent croire que les membres de cette communauté ne jouissent pas encore d’une totale liberté dans le domaine de la santé. Certains préjugés persistent et plusieurs membres de cette communauté sont encore victimes de discrimination de nos jours. Des étudiants en médecine d’ici et d’ailleurs croient que l’inégalité qui continue d’affliger les personnes LGBT en santé est en grande partie attribuable à un certain manque de formation des professionnels de la santé. S’inspirant d’organisations prometteuses existant à travers le Canada et les États-Unis, des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM) ont créé le groupe ÉVEIL en Santé afin de sensibiliser les étudiants des programmes de la santé de l’UdeM aux enjeux propres à la population LGBT.

Pourquoi créer un groupe pour la communauté LGBT?
Les étudiants en médecine qui sont derrière ce projet sont clairs : les personnes LGBT reçoivent des soins de santé de moins bonne qualité que le reste de la population. De nombreux facteurs peuvent expliquer ce phénomène, mais le facteur le plus important est, selon les créateurs du groupe, le fait que les étudiants en santé ne soient pas assez préparés pour faire face aux enjeux qui touchent plus particulièrement ces personnes. « L’objectif du groupe est surtout de faire réaliser aux étudiants en santé que leurs patients ne seront pas tous hétérosexuels et cisgenres et qu’il existe des méthodes communicationnelles plus inclusives et une démarche clinique plus adaptée à cette population », affirme William Davidson, étudiant en médecine fondateur du groupe ÉVEIL. Selon lui, bien qu’ils ne soient pas mal intentionnés, les étudiants en médecine et d’autres professions de la santé sont « formés » à traiter leurs patients selon un modèle s’adressant davantage aux hétérosexuels. « J’ai remarqué que certains de mes collègues de classe, sans mauvaise volonté, pouvaient adopter des techniques d’entrevue un peu mal adaptées, par exemple, demander à une patiente si elle a un conjoint pour s’occuper d’elle à la maison, alors qu’il serait préférable de demander si elle a quelqu’un ou un partenaire pour éviter de présumer que la patiente est hétérosexuelle. Nous avons jugé qu’il serait pertinent de former un groupe pour informer, sensibiliser et donner des outils communicationnels et cliniques aux étudiants en médecine, mais également dans tous les autres programmes de santé de l’Université, afin d’offrir des soins de santé plus inclusifs à tous nos futurs patients. » D’ailleurs, le Centre de toxicomanie et de santé mentale du Canada abonde dans le même sens en affirmant que l’augmentation de la visibilité et de l’acceptation des minorités sexuelles exige une formation active tant au niveau des facultés de médecine que des médecins en exercice1. Le groupe ÉVEIL est actuellement formé de neuf membres étudiants, dont sept en médecine, un en sciences infirmières et un au doctorat en psychologie.

Quelle est la situation actuelle des soins de santé prodigués aux membres de la communauté LGBT?
De nombreuses études mises de l’avant par l’organisation Rainbow Health Ontario font état d’une situation inégale entre les soins de santé administrés aux membres de la communauté LGBT et ceux proposés aux hétérosexuels2. Parmi les statistiques les plus frappantes évoquées par l’organisation, notons que les membres de la communauté LGBT sont particulièrement à risque de troubles de santé mentale : les jeunes LGBT sont 14 fois plus à risque de se suicider que les jeunes hétérosexuels; 60 % des jeunes trans rapportent des symptômes de dépression, 77 % ont déjà songé au suicide et 45 % ont déjà tenté de le faire. Le cancer semble aussi être un enjeu préoccupant dans cette population : « Certains faits probants indiquent que le cancer colorectal pourrait constituer un problème considérable chez les personnes LGB. Chez les lesbiennes et les femmes bisexuelles, les études font état de taux plus élevés de cancers du sein, de l’utérus et des ovaires. Chez les hommes gais ou bisexuels, on constate des taux croissants de cancers rectaux/anaux, surtout chez les personnes séropositives. Les personnes trans affichent un taux de participation moindre aux tests de dépistage pour le cancer et par conséquent, leurs résultats de santé sont moins bons, et les diagnostics sont retardés ». Par ailleurs, malgré un accès aux soins de santé identique, 21 % des personnes trans disent qu’ils éviteraient d’aller aux urgences même si leur état l’imposait, car ils craignent la transphobie. De surcroit, plus de 55 % des trans disent subir modérément de la transphobie venant de leur médecin de famille. Certains membres de la communauté LGBT vivent donc encore aujourd’hui la crainte du jugement des professionnels de la santé. Près de chez nous, on peut penser à l’histoire récente, publicisée en janvier 2016, d’un jeune patient atteint de fibrose kystique en phase terminale disant avoir été victime d’un refus de traitement de la part d’un médecin du Centre universitaire de santé McGill en raison de son orientation sexuelle.

Encore aujourd’hui, certains médecins considèrent que d’affirmer ouvertement leur homosexualité n’est pas nécessaire ou nuirait à leur carrière.

Qu’en est-il des étudiants en médecine appartenant à la communauté LGBT?
William Davidson pense que les étudiants en médecine et d’autres programmes de la santé sont des individus assez respectueux et ouverts d’esprit pour permettre un environnement où les étudiants LGBT se sentent à l’aise et en sécurité. Par contre, il semble que certains médecins aient encore de la difficulté à s’affirmer totalement sur le plan de leur orientation sexuelle, souvent par crainte que cela mette un frein à leur carrière. Plusieurs médecins hésitent encore à révéler leur homosexualité au travail. Une étude du Journal de l’Association médicale canadienne « a permis de constater que les étudiants en médecine et résidents gais et lesbiennes avaient de sérieux défis à relever avant de devenir des médecins qualifiés ». Encore aujourd’hui, certains médecins considèrent que d’affirmer ouvertement leur homosexualité n’est pas nécessaire ou nuirait à leur carrière.

Un article paru dans le Cross Currents avance les mêmes idées que le groupe ÉVEIL en Santé de l’UdeM. Selon une étude citée par cet article, l’évaluation du risque de s’afficher comme homosexuel dépend de soutiens identifiables, de programmes de cours intégrant les relations sexuelles et autres questions de santé touchant les personnes gaies ou lesbiennes, et des politiques censurant efficacement la discrimination sexuelle3. William Davidson explique que les personnes LGBT font partie d’une communauté qui nécessite certaines connaissances particulières sans pour autant signifier qu’elle est marginalisée de la population générale : « Notre démarche clinique diffère déjà quand notre patient est un enfant, un adolescent, un adulte ou une personne âgée; quand notre patient est originaire de Montréal, du Saguenay ou du Vietnam; quand il est comptable ou travailleur en construction; quand il est atteint d’une maladie chronique ou non… Son orientation sexuelle, son sexe biologique ou son genre ne définit pas notre patient en entier, mais fait tout de même partie des éléments importants à considérer lorsqu’on lui offre un service de soins. Il s’agit seulement d’adapter notre anamnèse et notre examen clinique de la façon la plus précise au patient qui est devant nous ».

Le groupe ÉVEIL compte outiller les futurs professionnels de la santé étudiant à l’UdeM en créant des vidéos éducatives visant à mettre fin aux préjugés, en organisant des conférences données par des professionnels de la santé qui travaillent auprès de la population LGBT et en diffusant des témoignages de patients issus de cette communauté afin d’exposer leur expérience au sein du système de santé. Des journées d’observation dans les cliniques spécialisées pour exposer directement les étudiants aux particularités de la pratique clinique avec cette population sont même au programme4! Bref, il s’agit d’une belle initiative que l’on salue!


Katerine Mauriello
, étudiante de 2e année
Université de Montréal au campus de Montréal

 

Références :

  1. Centre de toxicomanie et de santé mentale, Le médecin ne s’affiche pas, Abigail Pugh, Hiver 2004-2005, Volume 8, numéro 2.
  2. Rainbow Health Ontario, Santé LGBT.
  3. Centre de toxicomanie et de santé mentale, Le médecin ne s’affiche pas, Abigail Pugh, Hiver 2004-2005, Volume 8, numéro 2.
  4. Présentation du groupe ÉVEIL, 2016.

Cet article utilise l’orthographe moderne recommandée.

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