Le point de vue d’une étudiante
J’ai passé la majorité de ma vie d’adulte à étudier la médecine et je compte passer le reste de mon existence à travailler comme médecin de famille. Ma relation avec l’apprentissage est une des clés de voute d’une médecine de qualité, car c’est en étudiant tout au long de ma carrière que je serai capable d’offrir les meilleurs soins. C’est donc une relation que je souhaite faire durer et dans laquelle je souhaite toujours être heureuse. Comment atteindre cet objectif?
J’aime penser à la médecine comme à un art et à une science à la fois, et j’ai eu en ce sens une opportunité que je considère rare et précieuse : celle de l’avoir étudiée ici et ailleurs, aujourd’hui et il y a quelques années. Je vous explique…
Quand j’étais étudiante en médecine dans ce que j’aime appeler « mon autre vie », soit dans mon pays d’origine, l’Italie, mon approche de l’étude de cette discipline fascinante était basée sur les cours magistraux : pendant six longues années, ma vie se passait dans les amphithéâtres pleins d’histoire des médecins qui m’avaient précédée et les livres à apprendre par cœur du début à la fin. L’amour que j’ai pour la médecine m’a donné l’énergie pour passer à travers les nuits, les fins de semaine et les longs étés, le nez plongé dans les pages qui sentent le papier neuf. Doucement, j’ai fait de cette méthode d’étude ma force. Ma clé pour ouvrir les portes de la connaissance médicale…
Jusqu’au jour où, jeune et curieuse de voir ce qui se cachait au-delà de mon horizon de papier, le destin m’a conduit de l’autre côté de l’océan. Après mille et une péripéties, me voilà étudiante en médecine pour une deuxième fois. Non, ce n’est pas du sarcasme, j’en suis sincèrement reconnaissante. Car c’est grâce à cette opportunité que j’ai découvert qu’il y a d’autres clés qui peuvent ouvrir bien plus de portes à la connaissance et de façons bien plus intéressantes que ce que j’avais cru jusqu’ici.
Ma curiosité me laisse avec une soif constante que je soulage en lisant des recherches au sujet de la pédagogie en médecine. C’est ainsi que j’ai découvert que Barrows et Tamblyn ont proposé en 1979 le Problem-Based Learning (PBL) Unit (1): à l’origine un jeu de cartes pour enseigner le raisonnement clinique aux étudiants en médecine, le PBL a évolué pour devenir aujourd’hui la méthodologie la plus utilisée dans les facultés de médecine de l’Amérique du Nord, en remplacement du Lecture-Based Learning (LBL), la forme d’apprentissage traditionnelle. Le PBL s’est montré tellement efficace qu’il est de plus en plus utilisé ailleurs dans le monde (2,3). De plus, il s’avère utile lors qu’on vise à l’intégration de l’aspect biopsychosocial de la médecine (4), qui est très important selon moi pour le médecin de famille.
Il est de plus en plus accepté que la méthodologie pédagogique n’est pas un « one size fits all » : tel que démontré par une étude menée dans une résidence de médecine de famille en Ontario (5), il est important de laisser à l’apprenant le choix de sa propre méthodologie d’étude.
À l’ère d’Internet, des téléphones intelligents et des applications mobiles, on se pose aussi la question suivante : remplacer les livres traditionnels par des ressources numériques peut-il affecter négativement la performance des apprenants en médecine? Une étude menée dans une résidence de médecine de famille en Pennsylvanie en 2014 nous montre que le support de l’information n’influence pas la performance des étudiants et que la qualité du contenu demeure le facteur le plus important (6).
Loin d’être une experte en pédagogie – heureusement il existe des gens dont c’est la spécialité –, je trouve soulageant d’avoir découvert que ma relation de longue durée avec l’apprentissage ne doit pas nécessairement être aussi rigide et lourde que les livres qui m’ont initiée à l’art et à la science de la médecine jusqu’à ce jour.
Sans vouloir critiquer la main qui m’a nourrie et à laquelle je dois en partie ce que je suis devenue, je me réjouis aujourd’hui d’avoir pris connaissance de ce qui se cachait au-delà de l’horizon. Même si le cordon ombilical est difficile à couper : c’est un combat plus ou moins quotidien entre le besoin de sectionner les livres en un nombre de pages comestibles jour après jour et l’envie de me laisser séduire par une nouvelle approche pédagogique, plus efficace et amusante.
En tant que futur médecin, j’ai promis fidélité à l’idée d’étudier tout au long de ma vie et à l’ouverture d’esprit d’explorer les différentes approches qui feront de moi un professionnel compétent.
Stephanie Lio
Étudiante en 3e année
Université de Sherbrooke – campus Sherbrooke
Références
- Barrows HS, Tamblyn RM. The portable patient problem pack: a problem-based learning unit. J Med Educ. déc 1977;52(12):1002‑4.
- Ding X, Zhao L, Chu H, Tong N, Ni C, Hu Z, et al. Assessing the effectiveness of problem-based learning of preventive medicine education in China. Sci Rep. 30 mai 2014;4:5126.
- Chen J, Li Y, Tang Y, Zeng F, Wu X, Liang F. Case-based learning in education of Traditional Chinese Medicine: a systematic review. J Tradit Chin Med Chung Tsa Chih Ying Wen Pan. oct 2013;33(5):692‑7.
- Heru AM. Teaching psychosomatic medicine using problem-based learning and role-playing. Acad Psychiatry J Am Assoc Dir Psychiatr Resid Train Assoc Acad Psychiatry. août 2011;35(4):245‑8.
- Sy A, Wong E, Boisvert L. Learning behaviour and preferences of family medicine residents under a flexible academic curriculum. Can Fam Physician Med Fam Can. nov 2014;60(11):e554-561.
- Demarco MP, Bream KDW, Klusaritz HA, Margo K. Comparison of textbook to fmCases on family medicine clerkship exam performance. Fam Med. mars 2014;46(3):174‑9.