C’est [presque] fait : une autre ronde électorale s’achèvera sous peu.
Il y a fort à parier que le nouveau gouvernement retournera sur la planche à dessin pour nous proposer « enfin » le modèle idéal qui devrait régler la plupart des problèmes de notre système de santé. Et tout ça dans un court délai de quatre ans!
Beaucoup de choses ont été dites au cours de la dernière campagne électorale sur la possibilité qui s’offre à notre société de tenter de libérer le plus possible la gestion du système de santé du carcan de l’échéancier électoral. Carcan incompatible avec l’importance de fixer des objectifs à plus long terme, surtout lorsque l’on envisage des réformes d’envergure. D’autant que les adaptations que nécessitent de telles réformes dépassent largement la durée de nos mandats électoraux. Comme société, aurons-nous le courage de réclamer cette audacieuse dépolitisation?
Des indicateurs, oui, mais encore faut-il qu’ils nous parlent intelligemment
Comme le soulignait récemment le CQMF en guise de mise en contexte dans son questionnaire aux partis aspirant au pouvoir, beaucoup d’énergie a été dévolue ces dernières années à certains services, notamment la première ligne. De grands efforts ont été déployés et des indicateurs de performance développés (taux d’assiduité, délais pour obtenir un second ou troisième rendez-vous, etc.).
Par ailleurs, l’amélioration de l’accès en général n’est pas gage d’un accès équitable. Bien que des gains appréciables aient été enregistrés de façon globale, l’accès aux services de santé demeure toujours aussi problématique pour diverses portions vulnérables de la population, que ce soit pour des raisons géographiques ou d’isolement social (itinérance et autres). Or, il est également possible de développer des indicateurs de ces iniquités d’accès. N’est-il pas temps de généraliser davantage leur usage pour orienter nos politiques publiques vers un accès plus équitable à la première ligne et répondre ainsi avec plus de justesse aux besoins de la population?
Écart entre l’état de santé des populations autochtones et du reste de la population
Le CQMF soulevait également dans son questionnaire électoral cet enjeu majeur, qui n’est pas considéré avec l’attention qu’il mérite lorsque le développement visé l’est à trop court terme. L’éternelle partie de ping-pong que se jouent le fédéral et le provincial quant à leurs responsabilités dans ce dossier est évidemment un sujet peu inspirant pour quelque parti que ce soit… Le rapport de la Commission Viens, qui se penche actuellement sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, et qui achèvera ses audiences cet automne, donnera-t-il encore plus de poids à ce constat? Et ce rapport servira-t-il réellement à faire avancer les choses?
Ici encore, mon optimisme reste prudent. Dans tous les cas, ma conclusion est la même : nous nous devons d’aborder ces enjeux, comme tant d’autres, avec le sérieux qu’ils méritent. Et nous y sommes prêts. Car c’est avec de telles orientations, courageuses mais ô combien pertinentes, que nous reprendrons confiance en nos institutions démocratiques – le fondement de notre vie en société.
Frédéric Turgeon, MD, CCMF, FCMF
Président du Collège québécois des médecins de famille (CQMF)