François Couturier et Robert Williams pratiquent tous les deux à l’UMF Charles-Lemoynes. Ils partagent avec deux autres médecins le suivi des patients atteints de dépendances aux opiacés. Sans faire de la toxicologie l’intégrité de leur pratique, ils ont su l’intégrer avec plusieurs autres champs d’intérêts. « Nous restons avant tout des médecins de famille! » nous explique Dr Williams.
Bachelier en relations industrielles, Robert William effectue ses études à l’Université de Montréal, pour ensuite s’enligner vers la chirurgie plastique. Peu de tant avant son départ vers New York pour sa formation de plastie, il s’est remis en question. Il voulait une profession qui lui offrait une flexibilité, l’opportunité d’aller à l’extérieur du pays et surtout une qui lui ressemblait plus! C’est alors qu’il a décidé de pratiquer en tant que médecin de famille. Après 7 années à Gaspé, il est venu sur la rive-sud de Montréal pour mettre en place l’UMF de Charles-Lemoynes
Son collègue, François Couturier, aussi diplômé de l’Université de Montréal, vient le rejoindre en 1994 après avoir pratiqué deux ans aux Îles-de-la-madeleines. Lorsqu’il se fait proposer de suivre un patient nécessitant un traitement de substitution à la méthadone, il n’hésite pas. Puis, en étant conscient du besoin criant de médecins pour traiter ces patients, il commence à en suivre plusieurs. Par la suite, d’autres médecins tel que Dr Williams se joignent à lui et, avec des fonds du Centre de Réadaptation le Virage, ils ont pu établir le programme et aider plus de patients tout en les suivant à même leur UMF.
Pourquoi intégrer la toxicomanie à votre pratique?
« Je ne me suis jamais dit que j’allais faire ça dans ma pratique, mais le besoin était là et la responsabilité d’un médecin de famille c’est de répondre aux besoins de la population », nous indique Dr Couturier. « En voyant François commencer à suivre des patients sous traitement de méthadone, j’ai eu le goût de faire la même chose! J’ai donc commencé à suivre des jeunes de la rue, des sans-abris qui n’avaient aucun contact avec les milieux institutionnels. »
Dr Williams se dit beaucoup touché par les individus qui ont des problèmes d’accès au système de santé à cause de ce qu’ils sont. Il nous explique l’exemple qu’à l’urgence, le jeune tatoué avec une mauvaise hygiène ne sera pas accueilli de la même façon que la dame de 50 ans bien habillée et coiffée! Les deux ont des problèmes et les deux devraient être traités de la même façon. C’est ce qu’il essaie de changer en pratiquant auprès de ces gens.
Qu’y a-t-il de différent dans la pratique avec les gens dépendants?
« Je dirais plus qu’y a-t-il de ressemblant! » nous répond Dr Couturier. Il nous explique que les étudiants en médecine voient les toxicomanes habituellement en situation de crise, lorsqu’ils sont intoxiqués ou qu’ils sont impliqués dans une intoxication et se retrouvent à la salle d’urgence. « Quand nous les voyons pour un traitement de substitution à la méthadone, ils sont en forme et ils veulent de l’aide comme les autres patients! »
Pour Dr Williams, c’est la mise en place d’objectifs thérapeutiques qui est différent. Traiter l’hypertension du patient est plutôt secondaire avec ces personnes. « En étant le médecin, je suis le représentant du système et je représente souvent initialement une menace pour le patient. Il est donc plus difficile de travailler la relation pour établir un lien de confiance.»
C’est aussi une pratique insécurisante, car les médecins sont habitués de vouloir être efficace. « On est médecin, on est habitué de voir un symptôme et de traduire celui-ci en diagnostic puis de le traiter et de voir ce résultat. Ça peut être très insécurisant de ne pas avoir de résultat .»
Qu’appréciez-vous le plus de cette facette de la pratique?
« Premièrement, j’apprends beaucoup à rencontrer ces patients. Ils ont souvent des troubles de personnalités et ça me permet d’apprendre à fonctionner avec eux. Deuxièmement, c’est sans doute un peu égoïste, mais ces patients sont excessivement reconnaissants et nous avons l’impression de participer à des changements extraordinaires dans leur vie. » explique Dr William
Dr Couturier nous répond : « C’est très valorisant comme pratique, nous leur sauvons littéralement la vie et nous leur donnons une qualité de vie! »
Quels sont les besoins dans ce domaine?
Seulement en Montérégie, le programme de traitement de la dépendance aux opiacés de la Montérégie suit entre 150 et 200 patients. Étant donné que ce sont des traitements à long terme, la liste d’attente pour ces patients est très longue. De nos jours, les patients requérant de l’aide ne sont pas que des gens de la rue, il y a aussi des patients souffrants de douleur chronique qui sont devenus dépendants des opiacés sous prescription!
Il est clairement démontré que le traitement de substitution à la méthadone ou à la burphrénorphine est moins coûteux pour la société que des patients dépendants à l’héroïne. La dépendance aux opiacés est une maladie mortelle qui entraine des coûts par la propagation du VIH, de l’hépatite C, des multiples interventions policière et de la criminalité. Si plus de médecins suivaient des patients dépendants dans leur traitement de substitution, nous pourrions diminuer ces coûts et diminuer aussi les listes d’attentes et par le fait même répondre au besoin d’un plus grand nombre de patients! Dr Couturier aimerait que toutes les UMF intègrent cette partie de la toxicologie à leur formation pour permettre aux résidents d’être plus en confiance avec ces patients! Ainsi, plus de médecins pourraient l’intégrer à leur pratique!
Lorsqu’on les questionne sur les conseils qu’ils donneraient aux étudiants en médecine, les deux médecins nous conseillent instantanément de ne pas avoir peur, de ne pas prendre le patient seulement pour un toxicomane mais comme une personne et surtout de nous exposer à ce type de patient!
Formation complémentaire
Pour pouvoir pratiquer avec ces patients, le médecin doit suivre une formation d’une journée de l’INSPQ. De plus, un permis de prescription doit être demandé pour que le médecin soit autorisé à prescrire la méthadone.
Maryse Lefebvre-Laporte, Université de Sherbrooke