Être externe sénior est une année décisive dans notre carrière. C’est le moment de faire notre choix de programme pour la résidence et bien souvent c’est une décision difficile. Plusieurs programmes nous intéressent, on a des intérêts variés, on ne veut pas faire de mauvais choix et être dans un programme qui ne convient pas à nos intérêts, nos valeurs…
Chose rassurante, il est possible de faire des changements de programme durant notre résidence et souvent, il y a des résidents qui s’aperçoivent au début de la résidence que le programme ne convient pas à leurs attentes.
Ainsi, j’ai rencontré, Annie Thériault, une résidente junior en médecine familiale depuis 6 mois qui avait débuté une résidence en médecine interne en juillet 2011.
PL : Bonjour Annie! Parles-nous un peu de ton parcours d’étude.
AT : Bonjour! Après mon secondaire, j’ai fait mes études préuniversitaires au CEGEP de Sainte-Foy en 3 ans car je jouais au basket-ball à un niveau compétitif. Par la suite, j’ai pris une pause d’études d’un an car je ne savais pas vers quel programme me diriger tellement mes intérêts étaient variés. J’en ai donc profité pour travailler à temps plein dans un commerce de détail. Je détenais un poste de gestion de personnel, grâce à lequel j’ai beaucoup évolué. Suite à cette année, j’ai décidé d’appliquer en génie alimentaire à l’Université Laval. J’avais toujours aimé les mathématiques, donc je me voyais être ingénieure! Après un an, j’ai réalisé que ce programme ne répondait pas à mes attentes : il manquait l’aspect « humain et biologique » qui m’avait toujours plu. Ainsi, j’ai bifurqué vers le baccalauréat en biologie, toujours à l’Université Laval. Je me suis concentrée sur la biologie moléculaire et la génétique. Durant la deuxième année, j’ai été contrainte à faire plus de tâches en laboratoire et je trouvais encore une fois qu’il manquait de contact humain. C’est un travail un peu plus solitaire et cela cadrait moins avec ma personnalité. Cette même année, une amie m’avait conseillée d’appliquer en médecine. Je n’avais jamais envisagé cette possibilité. J’ai donc appliqué en médecine à ma dernière année de baccalauréat en biologie et j’ai été acceptée! Par la suite, j’ai fait mes études précliniques en 2 ans.
PL : Qu’est-ce qui t’a incité à faire de la médecine interne à la fin de l’externat?
AT : J’ai songé à la médecine interne parce que je me voyais plus en spécialité au départ. Je considérais qu’acquérir une expertise me ressemblait plus. J’aimais aussi le travail intellectuel que l’on retrouve dans cette discipline. Mes stages d’externat m’ont permis d’apprécier l’exposition en médecine interne. De plus, mon stage en région a été marqué par le travail d’une interniste qui apportait un excellent support aux médecins de famille. J’avais trouvé son rôle vraiment intéressant et inspirant. C’est dans cette optique que j’ai retenu l’option de ce programme de résidence. À ce moment, la durée de la résidence n’était pas un facteur influant car lorsque l’on aime ce qu’on fait, le temps ne compte plus. J’ai débuté le programme de médecine interne sans savoir si j’allais me diriger vers une surspécialité.
PL : À quel moment est-ce que tu t’es rendu compte que la médecine interne ne te convenait pas?
AT : J’ai décidé de changer de programme après 6 mois de résidence. J’avais longuement considéré la médecine familiale et ce, dès le processus du CARMS. C’était une idée qui me trottait dans la tête depuis le début de la résidence, mais je me suis laissée une chance en allant à la recherche d’un coup de cœur. Avec les mois qui passaient, j’ai redéfini mes objectifs et mes intérêts personnels grâce à mon cheminement en médecine interne. Plus je progressais, plus je me rendais compte que le programme ne correspondait pas à ma personnalité et à ce que je recherchais pour répondre à mes valeurs. De son côté, la médecine familiale pouvait m’offrir une variété de pratique, un équilibre de vie, une prise en charge de patient au long cours, une clientèle pédiatrique que j’avais mise de côté malgré mon grand intérêt et une plus courte durée de résidence. Tous ces éléments ont justifié mon choix vers la médecine familiale. Aujourd’hui, je ne regrette absolument rien! Ça aura été une décision nourrie sur plusieurs mois, voire même une année étant donné que je considérais la médecine familiale dès l’externat.
PL : Par quelle procédure as-tu eu besoin de passer pour faire ce changement?
AT : Une à deux fois l’an selon notre année de résidence, on reçoit l’information par courriel du Vice-décanat aux études post-médicales pour nous faire part des dates d’admissibilité au changement de programme. En tant que R1, on peut changer de programme après 12 mois. Quatre à cinq mois avant la date limite, on doit signaler son intérêt au secrétariat des études post-médicales. Si une place est disponible, on est autorisé à compléter les formulaires de demande de changement. Ces démarches sont pratiquement l’équivalent du processus du CARMS : lettres de référence, des lettres de motivations, CV… La seule différence est que tout se fait à l’interne plutôt qu’à l’échelle canadienne. On est autorisé à un seul changement de programme durant la résidence. C’est donc une décision qui doit être bien réfléchie. Aussi, il est important de comprendre que les places disponibles sont attribuées à l’intérieur d’une même cohorte seulement. C’est une question de disponibilité de cartes de stage. Par la suite, j’ai dû passer une entrevue formelle, comme lors du CARMS. Avec beaucoup moins de pression par contre! J’ai obtenu une réponse de la directrice du programme dès la fin de mon entrevue. À noter que normalement, les changements de programmes se font le 1e juillet. Par contre, s’il y a entente entre les deux programmes, il est possible de commencer le nouveau programme un peu avant. Dans mon cas, j’ai débuté le programme de médecine familiale 3 mois plus tôt. J’ai donc pu bifurquer après 9 mois de résidence en médecine interne. On m’a crédité 3 mois de stages. Après une année de résidence, tous programmes confondus, j’ai 6 mois complétés en médecine familiale. Il me reste 1 an et demi à compléter dans mon nouveau programme. Le processus n’est donc pas aussi lourd et stressant comme le CARMS.
PL : Quels conseils donnerais-tu aux futurs résidents?
AT : Je pense qu’il faut non seulement avoir un intérêt pour le programme de résidence mais aussi tenter de se projeter à long terme dans le programme où l’on applique. Les années de résidence sont souvent difficiles mais il s’agit d’une étape de transition où l’on évolue rapidement. Je crois qu’il faut aussi tenter de faire fi des nombreuses rumeurs qui courent sur les milieux et s’orienter vers ce qu’on a le goût de faire. De plus, il ne faut pas avoir peur de se tromper. On n’est jamais coincé dans un système, on a toujours l’occasion de provoquer le changement. Il est vrai qu’il est parfois difficile au niveau d’externe de faire un choix sans avoir vraiment connu la résidence. C’est un peu cliché, mais tellement vrai : il faut choisir ce que l’on aime, ce qui nous correspond.
PL : Comptes-tu faire une formation supplémentaire après ton diplôme de médecine familiale?
AT : C’est une très bonne question! Je suis présentement en réflexion à ce sujet. Je ne peux renier mes années de médecine interne! L’urgence m’intéresse de plus en plus. La pédiatrie aussi a toujours été un coup de cœur. Mais pour l’instant, je me concentre sur mon début de résidence en médecine familiale et je laisserai le temps faire les choses.
PL : Quels sont tes plans d’avenir?
AT : Je suis encore en train d’absorber le changement et de m’adapter à mon nouveau programme. J’ai été accueillie dans une superbe équipe à l’UMF Saint-François-d’Assise, où l’ambiance de travail et d’apprentissage sont vraiment agréables. Je me suis donné jusqu’à la fin de l’année afin de prendre une décision sur ma fin de résidence. C’est sûr qu’avec le changement de programme, je termine maintenant dans 18 mois, ça arrive très vite! Je compte aller discuter avec les patrons, aller découvrir les variétés de pratique, faire le tour des régions… je pense que c’est un excellent moyen pour prendre une bonne décision.
PL : Merci beaucoup Annie! As-tu des conseils aux résidents ou externes séniors encore indécis ou qui seraient dans la même situation par laquelle tu es passée?
AT : Je dirais que c’est tout de même propre à chacun. Encore un cliché (!!) mais c’est important de s’arrêter et d’écouter son cœur. Il faut tenter de définir ses objectifs de carrière, ses objectifs de pratique. C’est aussi important d’en discuter, de parler à ceux ayant changé de programme, de parler aux résidents de notre programme et à ceux qui sont dans le programme envisagé. Aller chercher du concret pour s’aider à prendre une décision, je pense que c’est la meilleure façon de faire! Mais, ultimement ça reste une décision personnelle! Ce n’est pas une étape évidente, mais il faut garder confiance et une ouverture pour savoir profiter des années enrichissantes de la résidence.
Entrevue réalisée par Fazia Berkane