Dre Marie-Pier Villemure est une médecin de famille œuvrant dans la ville de Sherbrooke. Sa passion pour la médecine de famille et la pratique en gériatrie m’a interpellée dès ma première année de médecine. Qui de mieux pour parler de médecine familiale que la personne-même qui m’a tant inspirée!
Quel était son parcours avant son cours de médecine?
Ayant fait son baccalauréat en physiothérapie et travaillé pendant un an dans une clinique de réadaptation neurologique, c’est lors de son travail auprès de la population neurologique qu’elle a eu la piqûre pour la médecine. En effet, lors de son année en clinique de réadaptation, elle s’est posé plusieurs questions quant à la prise en charge médicale. C’est suite à ses questionnements que cette dernière a pris la décision d’entamer ses études médicales.
Pourquoi la médecine de famille?
Quoiqu’elle n’ait pas commencé son parcours avec l’intention d’aller en médecine familiale, ayant un penchant pour la neurologie et la physiatrie, elle a vite découvert les innombrables opportunités qui s’offraient à elle par le biais de la médecine familiale. De fait, au travers ses cours, elle a découvert qu’elle aimait les soins palliatifs et la gériatrie, tout en appréciant la diversité de la clientèle qui s’offrait à elle via la médecine de famille. De plus, Dre Villemure partage qu’il y a plein d’opportunités en étant médecin enseignant. Comme elle l’explique : « Pas moyen de s’ennuyer! ».
D’une autre part, la médecine familiale permet une conciliation entre la vie professionnelle ainsi que la vie personnelle, soit celle de famille. En effet, Dre Villemure est mère de jeunes enfants, ce qui vient naturellement avec bien des imprévus. Il lui arrive donc de devoir ajuster son horaire afin de prendre soin de sa famille et ce, grâce à la collaboration et le soutien de ses collègues médecins.
C’est quoi le R3 de soins aux personnes âgées et pourquoi le faire?
Le R3 de soins aux personnes âgées (obtenu dans son cas à Sherbrooke, quoiqu’il soit disponible ailleurs aussi) est un programme de 1 an qui permet de consolider ses apprentissages de ses deux années de résidence en médecine familiale, mais surtout de développer une compétence avancée pour traiter la population gériatrique. De fait, il y a environ 4-5 mois de médecine interne gériatrique, 2 mois en gérontopsychiatrie et plusieurs autres stages qui incluent, par exemple, suivre des médecins de famille qui pratiquent la gériatrie (donc ceux en URFI, à l’Hôpital et Centre d’Hébergement D’Youville et ceux en cliniques spécialisées). En faisant son R3, le médecin de famille devient en quelque sorte le spécialiste de son milieu pour son R3.
Cette année exigeante, mais tout de même gratifiante, permet de s’outiller et d’être prêt à répondre aux besoins de la population gériatrique. D’ailleurs, c’est par son amour envers cette population que Dre Villemure a choisi de faire son R3 en soins aux personnes âgées. En lui demandant si elle ferait ce parcours à nouveau, elle n’a pas hésité une seconde, « Absolument ! ».
Qu’est-ce qu’une journée typique?
Question piège, les journées ne se ressemblent jamais! Dre Villemure peut faire deux milieux par jour, que ce soit en tournée aux patients admis en convalescence, en tournée de longue durée, au bureau, ou même travailler sur son projet de maîtrise en après-midi! D’ailleurs, elle est aussi professeure à la Faculté de médecine de Sherbrooke, donc elle donne aussi des cours. En fin de journée, elle va prendre des appels et vérifier les laboratoires de ses patients. Enfin, une fois les enfants au lit, elle peut faire un peu de rédaction de sa maîtrise, ou encore faire la correction de travaux. La diversité de pratique permet de s’épanouir personnellement sur divers plans simultanément, tout en enrichissant la médecine et les futurs médecins.
Quels sont les défis et les particularités de pratiquer avec les personnes âgées?
Lorsque nous commençons notre parcours de médecine, en tant qu’étudiant, on a l’impression qu’on va soigner des gens comme nous. Or, il y a toutes sortes de populations vulnérables qui présentent des difficultés. Comme le mentionne Dre Villemure, il faut savoir accueillir le patient dans l’état où il se trouve. Il faut reconnaître ses propres limites et les limites des soins de santé. Pour donner un exemple simple à comprendre, on ne peut guérir quelqu’un qui souffre d’Alzheimer, mais on peut très bien l’accompagner à travers sa vie.
Or, ce que nous pouvons toujours faire c’est d’éduquer nos patients. Ce n’est pas parce qu’ils sont plus âgés, qu’ils ne peuvent pas être informés et « empowered ». Dre Villemure utilise un exemple clair : « Si je vais chez mon garagiste parce que mon auto est brisée, je veux que le garagiste m’explique de façon simple et claire ce qui est brisé, comment on peut le réparer, ou si on ne peut pas, pourquoi pas? » Prendre le temps de répondre aux questions de nos patients se trouve à être la base d’une bonne pratique, tout en créant un lien de confiance avec ces derniers afin de les aider davantage.
Quant à la beauté de travailler avec cette population, il y a tant de richesse à savoir comment faire collaborer le patient, et la communication devient essentielle. En parlant de la médecine familiale en générale, il n’y a rien de plus beau que de suivre quatre générations d’une même famille!
Comment est-ce que ses patients l’ont impactée en tant que personne?
Faisant des soins de fin de vie et de l’aide médicale à mourir, Dre Villemure partage que, surtout au début, « cela peut être confrontant ». Ces patients, en particulier, poussent les médecins à ralentir et se questionner réellement sur le sens de la vie et de la mort, mais aussi à propos de leur rôle en tant que médecin. Ces patients permettent de repenser à ses priorités et de voir la beauté dans la vie de tous les jours.
Y-a-t-il de la collaboration avec les médecins gériatres?
Oui, ils s’envoient des patients entre eux. Il y a énormément de collaboration et de communication entre les deux spécialités afin d’assurer de la meilleure prise en charge du patient.
Quels sont certains aspects de la pratique qui ont changé au fil du temps?
Dre Villemure dit que, de plus en plus, « c’est un travail de collaboration avec les divers professionnels de la santé ». Que ce soit avec d’autres médecins ou d’autres professionnels, ses journées se remplissent d’échanges enrichissants.
Comment sont les premières années de pratique?
Selon Dre Villemure, les premières années peuvent être difficiles, car il faut jongler avec l’incertitude tous les jours. Or, elle mentionne qu’il est primordial d’avoir une bonne équipe à son milieu de travail. C’est normal de se poser plein de questions, donc il ne faut pas avoir peur de le faire. Nos collègues sont des ressources importantes, et il se développera au fil du temps un sentiment de collégialité!
Mots de la fin de la part de Dre Villemure
Il faut rester humble et savoir dire au patient « je ne connais pas la réponse tout de suite, mais je vais m’informer » ou même, « je comprends que vous trouvez cela difficile, moi aussi je trouve cela difficile ». Il est important de rester curieux et motivé, et surtout d’aimer la médecine sous ses nombreuses facettes. En tant que médecin, nous n’avons pas les solutions à tout, il faut donc reconnaître que ce que les gens veulent : de l’humanité.
Elizabeth Svoboda
Coprésidente junior du GIMF de l’Université de Sherbrooke