« L’existence de l’homme porte la vieillesse du monde. » telles sont les paroles du célèbre poète français Joë Bousquet. Catherine Gagnon, médecin de famille et directrice de la section « Soins aux personnes âgées » du département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université Laval, m’a permis lors d’une rencontre en ce beau printemps d’arriver à la même conclusion.
PL : Bonjour Dre Gagnon. Pouvez-vous nous parler de votre parcours?
CG : Bonjour. J’ai fait mes études de médecine à l’Université Laval et ma résidence en médecine familiale à l’Université de Montréal. Après ma résidence, j’ai pratiqué au CLSC de Varennes durant 1 an puis pendant 10 ans à l’UMF de St-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal.
C’était une pratique très variée, où j’ai eu l’occasion de faire du bureau, du sans rendez-vous , de l’enseignement et du soutien à domicile. En revenant à Québec, il y a 12 ans, l’Agence régionale proposait l’urgence ou la gériatrie comme choix de poste en établissement. J’ai choisi de pratiquer la gériatrie pour le type de pratique multidisciplinaire, les horaires de travail et le contact avec les personnes âgées.
PL : Avez-vous dû faire une formation additionnelle pour faire de la gériatrie?
CG : Non, la formation en médecine familiale comprend la pratique auprès de tous les groupes d’âge. Les résidents sont exposés dans leur formation intra hospitalière et en UMF aux problématiques de santé particulières des personnes âgées. Bien sûr, mes intérêts de pratique dans mes premières années ont enrichis mon expérience comme tout jeune médecin.
Par contre, les résidents qui le désirent peuvent choisir d’approfondir leur formation par une année supplémentaire ce qui est une belle opportunité. Cette année complémentaire offerte dans la plupart des universités offre une certaine assurance et une perspective de carrière pour les résidents désirant rester dans le milieu universitaire.
PL : Qu’est-ce qui vous attire dans la gériatrie?
CG : Ce qui est intéressant dans la gériatrie, c’est la possibilité d’accompagner la personne à une étape de sa vie où elle est vulnérable et de l’aider à améliorer ces capacités fonctionnelles. La variété de pratique auprès des personnes âgées m’a aussi attiré. On peut faire beaucoup de chose en gériatrie! Il y a les hôpitaux de jour et les équipes de gériatrie ambulatoire qui consistent à pratiquer une évaluation interdisciplinaire afin de s’occuper des patients dans leur globalité biopsychosociale.
La pratique en CHSLD m’intéresse aussi et fait partie de ma pratique actuellement. Bien souvent, les patients y passent les derniers mois de leur vie. Ce sont des moments très enrichissants sur le plan personnel et professionnel. Malheureusement, il n’y a pas assez de gens qui s’intéresse à ce type de pratique. De mon côté, ce que je trouve avantageux c’est la disponibilité du personnel infirmier dans le CHSLD et la relation avec la famille.
PL : Parlez-moi de votre pratique de la gériatrie.
CG : En ce qui me concerne, je fais deux types de pratique. Tout d’abord, je fais de l’hospitalisation en UTRF (Unité Transitoire de Réadaptation Fonctionnelle), donc de la gériatrie active et des soins palliatifs. L’autre partie de mon travail, c’est de l’évaluation en psychogériatrie à domicile, une clientèle avec des démences ou des troubles psychologiques. La moyenne d’âge doit être autour de 83 ans et le plus entre 75 et 97 ans.
PL : Qu’est-ce que vous aimez le plus dans la gériatrie?
CG : Bien entendu, la variété des pathologies est une clé importante dans cette pratique. Un intérêt pour la médecine interne, la pharmacologie et un bon jugement sont des atouts. Le défi intellectuel quotidien est très enrichissant.
Ce qui est intéressant aussi , c’est le fait qu’avec un petit changement, on peut faire une grande différence dans la qualité de vie des patients et que ceux-ci apprécient très souvent notre travail. .
PL : Que pensez-vous des besoins au Québec en gériatrie?
CG : Les besoins sont énormes! Le manque de médecin de famille favorise le recours à consulter à l’urgence. Le passage à l’urgence et l’hospitalisation bien que nécessaire dans certains cas peuvent entraîner une cascade d’événements défavorables (délirium, chute, déconditionnement, dénutrition, etc.). . Ce n’est pas une gestion optimale des ressources du système de santé.
La base est d’avoir un bon système de suivi de première ligne! Il y a de la place pour ceux qui veulent travailler avec nous. Les conditions salariales se sont nettement améliorées et ils vont continuer à s’améliorer étant donné les besoins grandissants des personnes âgées.
PL : Quelles sont les qualités requises pour ce type de pratique?
CG : il faut bien entendu aimer les personnes âgées. Être quelqu’un qui aime le travail d’équipe et qui a de belles qualités de communication. Il est utile d’avoir un esprit synthétique et souvent de posséder des qualités de détective..
PL : Quels programmes utilisez-vous avec votre téléphone intelligent?
CG : J’utilise surtout epocrate, mediquation, uptodate et parfois l’appareil photo pour les plaies ça me permet de suivre l’évolution.
PL : Merci beaucoup pour cette entrevue. Votre mot de la fin?
CG : Je trouve que c’est une pratique très valorisante et enrichissante! Chaque patient nous apporte un sourire ou la vision de sa longue expérience.
Entrevue réalisée par Fazia Berkane
La formation supplémentaire en gériatrie est offerte dans différentes universités :