En tant qu’étudiants en médecine, nous côtoyons régulièrement des médecins ayant développé un intérêt dans l’art de transmettre leurs connaissances. C’est justement en discutant avec ces modèles de rôles qu’un questionnement est né. Pourquoi ont-ils choisi l’enseignement comme partie prenante de leur pratique? Quels en sont les avantages et difficultés? À quoi ressemble la vie professionnelle du médecin-professeur? Dans les semaines qui ont suivi, j’ai donc pris le temps de m’entretenir avec certains médecins de famille professeurs.
Je me suis entre autres dirigé vers Dre Chelsea LeFort, professeure adjointe et adjointe académique responsable des évaluations et de la remédiation au GMF-U des Deux-Rives. Mordue de l’enseignement, Dre LeFort décrit sa pratique actuelle comme étant un équilibre d’environ 50% de tâches cliniques et 50% de tâches reliées à l’éducation des futurs médecins. « La variété de ta pratique est le reflet de toi-même », m’a-t-elle dit lorsque je lui ai demandé l’étendue que pouvaient prendre ses tâches d’enseignement. La supervision clinique, les cours magistraux, la simulation, les ateliers pratiques, l’apprentissage par problème/équipe ainsi que le mentorat ne sont que des exemples d’activités auxquelles participent nos professeurs. Il y a aussi tout le volet gestionnaire de cours et standardisation qui peut en faire partie selon l’intérêt.
Bien que Dre LeFort adore la variété de tâches qu’apporte cette pratique mixte, pour elle, il est clair que d’apprendre de ses propres étudiants est l’élément le plus stimulant de l’enseignement médical. « L’échange de connaissances entre externes, résidents, étudiants et patrons permet d’approfondir réellement notre savoir-faire », m’a-t-elle mentionné. Pour l’illustrer, elle donne l’exemple de l’enseignement au préclinique, qui permet de maintenir les connaissances théoriques, alors que l’enseignement aux externes est davantage orienté vers le pratico-pratique.
D’après la médecin-professeur, la gestion des horaires et la charge de travail (évaluations, corrections, préparation aux cours, etc.) constituent les deux gros défis d’une pratique mixte entre l’éducation et la médecine. Ses conseils : « On doit être organisé, avoir une très bonne gestion des horaires et être entouré par des gens qui nous supportent. On doit aussi savoir que c’est par vague, qu’on a certaines périodes plus occupées que d’autres ».
Tout comme pour Dre LeFort, le choix de l’enseignement allait de soi pour Dre Catherine Corbeil, médecin de famille et enseignante au préclinique en 1re et 2e année. C’est lorsque Dre Corbeil était elle-même étudiante que son affection pour l’enseignement médical s’est développée. L’accessibilité et la dynamique des professeurs ainsi que le lien que les étudiants développaient avec ceux-ci l’ont dirigée vers ce type de pratique. La proximité avec les étudiants et le pouvoir d’être une figure de rôle sont sans aucun doute deux points positifs dans le travail de cette enseignante. Elle renchérit en précisant que son travail comprend aussi d’épauler les étudiants dans leur difficulté, de les aider quand et où ils en ont le plus besoin. « C’est plus que juste donner de la théorie. », précise-t-elle.
Elle remarque également à quel point les milieux académiques favorisent la collégialité entre médecins de famille et spécialistes, en comparaison avec une pratique de bureau. Selon elle, la raison est que l’approche holistique est très valorisé dans son milieu d’enseignement, ce qui place le médecin famille dans une position très confortable pour l’enseignement et le valorise aussi, indirectement. C’est sans hésitation que Dre Corbeil m’a affirmé que l’impact de l’enseignement sur ses propres connaissances médicales était tout ce qui avait de plus positif. Elle mentionne même que certains collègues considèrent les médecins de famille prenant part à l’enseignant comme des ressources lorsqu’ils ont des questions. La réputation des médecins enseignants est qu’ils ont tendance à rester à jour et à connaitre certains sujets en profondeurs.
« Qu’est-ce que vous appréciez dans l’enseignement médical? » ai-je demandé à Dre Corbeil. Une de ses réponses fut la suivante : « Avoir des défis différents des défis médicaux […] Avoir des défis d’enseignement aux étudiants ». Elle m’a alors expliqué qu’une des choses qui la stimulait le plus était de comprendre les étudiants, comprendre ce qu’ils ne comprennent pas et pourquoi, le but étant d’ensuite les aider à comprendre.
De quelle formation ai-je besoin?
Aucune formation supplémentaire n’est nécessaire pour être enseignant en milieu clinique (aux externes) une fois le parcours d’étude médicale terminé. Toutefois, il est fortement conseillé de suivre des formations pédagogiques supplémentaires comme le mentionnent Dre Corbeil et Dre LeFort, toutes deux, très enchantées par l’utilité et la pertinence de celles-ci.
Il est à noter que les règles peuvent varier d’une Université à l’autre, mais, dans certaines Universités, des formations complémentaires en pédagogie sont requises pour faire de l’enseignement au préclinique[1].
Comment puis-je approfondir mes compétences en enseignement?
Les 4 universités médicales québécoises offrent un programme de compétences avancées, Clinicien érudit R3, pour les résidents de médecine de famille. Ces parcours ont pour objectif spécifique le développement des habiletés d’enseignement ou de recherche. Il comprend l’élaboration d’un projet d’innovation pédagogique ainsi que plusieurs cours axés sur l’enseignement ou la recherche. Toutefois, seulement deux résidents par université par année ont la chance de suivre ce cursus. Selon Dre Marie-Claude Beaulieu, directrice du programme « Clinicien érudit » à l’Université de Sherbrooke, ce programme exige la discipline, la gestion du temps et l’autonomie nécessaire pour accomplir toutes les tâches dans les délais demandés. [2]
[1] Informations tirées des entrevues avec Dre Marie-Claude Beaulieu, Dre Chelsea LeFort et Dre Catherine Corbeil
[2] Informations tirées de l’entrevue avec Dre Marie-Claude Beaulieu.
Yann Lamontagne
Université de Sherbrooke, promotion 2023
Coprésident du GIMF de l’Université de Sherbrooke