Dre Odélie Gaudreault-Beaulieu est une médecin de famille pratiquant au sein du GMF-U des Etchemins et de l’Hôpital de Saint-Georges. Depuis qu’elle a terminé sa résidence en périnatalité (R3) il y a deux ans, elle a su se démarquer par son engagement en obstétrique. Elle continue aujourd’hui de s’épanouir à travers le poste d’adjointe pédagogique du GMF-U et d’un microprogramme en pédagogie universitaire. Voici le portrait d’une jeune médecin inspirante et passionnée.
Tout d’abord, pourquoi choisir la médecine de famille?
« J’ai toujours su que je voulais être généraliste, mais les éléments qui m’ont fait pencher vers la médecine familiale sont mon stage d’externat en gynécologie-obstétrique, où j’y ai découvert ma passion pour le côté obstétrical et mon stage à option à l’Hôpital de Saint-Georges en périnatalité avec des médecins de famille accoucheurs. Assister à un accouchement pour la première fois a soulevé beaucoup d’émotions chez moi, et après cela, je souhaitais en faire une place spéciale dans ma pratique.
Un autre point qui m’a fait choisir la médecine familiale est le fait d’avoir un contact de première ligne avec les patients. Quand ils ont un problème, ils consultent leur médecin de famille, qui lui, fait les premières investigations et les plans de traitement, ce qui est très stimulant. »
À quoi ressemble une semaine dans votre pratique en tant que médecin de famille au GMF-U des Etchemins?
« Lorsque je suis au Lac-Etchemin, je fais du sans rendez-vous, du rendez-vous traditionnel au bureau, de la supervision de résidents et des cliniques de périnatalité. Je fais également une garde de 24 heures à l’Hôpital de Saint-Georges. »
Pourquoi avoir décidé de faire une place spéciale à l’obstétrique au sein de votre pratique?
« Ce qui est agréable avec l’obstétrique, c’est qu’au lieu d’accompagner les patients dans la maladie, on les accompagne dans un moment exceptionnel de leur vie. Évidemment, il y a parfois des femmes enceintes malades ou qui ont des complications, mais c’est quand même stimulant de voir un côté heureux de notre métier.
De plus, à l’Hôpital de Saint-Georges, ce sont les médecins de famille qui assurent l’entièreté de la première ligne obstétricale. Il y a peu de milieux qui fonctionnent de cette façon, que ce soient des grossesses à risque ou non.
Une autre particularité que j’aime de ce domaine est l’utilisation de techniques manuelles pour les naissances certes, mais aussi pour les délivrances, pour les réparations, pour les dystocies de l’épaule au besoin, etc. Dépendamment du milieu, on fait aussi quelques assistances de césarienne d’urgence auprès des gynécologues, ce qui est le cas à l’Hôpital de Saint-Georges.
Finalement, les accouchements agrémentent ma routine de travail en faisant une coupure dans la semaine et en me permettant de diversifier mes activités au cours d’une semaine. »
Quelles sont les particularités de travailler avec des femmes enceintes et de les suivre à la suite de leur accouchement?
« D’abord, la clientèle est jeune : ce sont des mamans et des bébés en bas de 2 ans que je vois dans mes cliniques de périnatalité au Lac-Etchemin. Je fais donc beaucoup de pédiatrie et de gynécologie, ce qui diversifie ma pratique.
Également, ce sont des patients que l’on voit souvent : les rendez-vous durant la grossesse sont très fréquents, puis leurs bébés ont eux aussi des suivis réguliers.
Parfois, j’ai la chance en plus d’être la personne qui fait l’accouchement de la patiente de devenir par la suite le médecin de famille de l’enfant. Cela crée un lien particulier avec la famille. »
Est-ce que les occasions de faire de l’obstétrique pour les médecins de famille en région sont différentes de celles en ville?
« J’aurais tendance à dire que ça dépend vraiment des règles de l’hôpital plutôt que de l’endroit où l’on pratique. À l’Hôpital de Saint-Georges, pendant notre garde de 24 heures d’accouchement, on fait aussi des suivis de grossesse de 32 semaines et plus, ce qui n’est pas permis dans tous les hôpitaux. Cela fait en sorte que nos journées passent plus vite s’il n’y a pas d’accouchement.
De plus, la répartition du travail est différente d’un établissement à l’autre. Il y a des différences au niveau de qui s’occupe de la première ligne, soit les médecins de famille ou les gynécologues.
Dans mon milieu de pratique, les médecins de famille ont une assez grande liberté de prise en charge pendant l’accouchement. Évidemment, pédiatres ou gynécologues sont disponibles sur appel en cas de besoin. Je trouve ça stimulant d’avoir de l’autonomie dans ma pratique, mais c’est également bien d’avoir un spécialiste pour penser avec soi et prendre le relai quand on est à court de ressources. »
Orienter sa pratique de médecine familiale vers l’obstétrique comporte ses avantages et ses défis, quels sont-ils?
« Un des avantages est d’avoir un champ d’expertise dans un métier général et large comme la médecine de famille. Un collègue peut diriger ses patients vers moi lorsqu’il a besoin d’une référence pour ce qui est obstétrical ou gynécologique et vice-versa. Cela fait en sorte qu’on collabore entre nous pour la meilleure prise en charge possible de nos patients.
Pour ce qui est d’un défi, le nombre d’heures est généralement un peu plus élevé que dans un autre type de pratique. C’est un horaire qui peut être plus difficile à gérer avec une vie familiale et des nuits blanches lors des gardes.
Un aspect qui peut être un avantage ou un défi selon les préférences d’un médecin est que c’est une pratique qui apporte beaucoup d’adrénaline. Il y a des cas urgents où on n’a pas beaucoup de temps pour réfléchir avant d’agir. Pour être prêt à toute éventualité, il faut connaître ses algorithmes et ses protocoles afin de réagir rapidement. »
Que pensez-vous du programme de résidence en périnatalité (R3)?
« J’ai fait le R3 en périnatalité à l’Université Laval. Il s’agit de faire deux mois de périnatalité, puis un troisième mois comportant néonatalité et pouponnière. J’ai appliqué dans ce programme parce qu’on n’a jamais trop d’expositions dans ce domaine. Plus on travaille avec différents médecins, plus on voit des façons de penser et plus notre jugement clinique se développe.
Finalement, il faut se rappeler qu’il y a aussi un programme de mentorat avec la RAMQ qui permet aux nouveaux médecins d’avoir, pendant 20 accouchements, un médecin de garde sur place qui peut intervenir au besoin. »
Comment est-ce que vos patients ont changé vos perspectives, vos façons de faire?
« En obstétrique, chaque patiente est marquante grâce aux émotions qu’elle apporte et que je partage avec elle dans la salle d’accouchement. Accompagner une jeune femme en santé, qui a mon âge et qui accepte de partager ce moment de sa vie avec moi amène des relations empreintes de proximité et de familiarité.
De plus, j’essaie toujours de me rappeler que même si c’est mon 100e accouchement dans l’année, ma patiente, elle, c’est son premier. Pour partager un moment qui est aussi personnel, il faut personnaliser son approche. On fait beaucoup de renforcement positif sur le fait qu’accoucher dans un milieu hospitalier est mieux pour elles et leur bébé, car cela permet d’avoir le plateau technique et les ressources humaines nécessaires pour intervenir en cas de complications. »
Quelles sont les astuces pour trouver un équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle lorsqu’on est médecin?
« Comme il manque de médecins de famille au Québec, dès que nous commençons dans le domaine, il y a déjà une grande charge de travail qui nous attend. Mon conseil serait de d’abord de se concentrer durant la première année sur ses tâches obligatoires. Par la suite, il est possible de voir comment on jongle avec tout cela et de s’en rajouter selon ses capacités. C’est se protéger soi-même, mais aussi, c’est protéger son équipe de la perte d’un de ses membres par épuisement.
Une autre astuce est de s’entourer de collègues ou de mentors étant source de conseils et rendant l’intégration agréable. Avoir des collègues qui ont commencé en même temps que soi et qui ont le même type d’interrogations de début de pratique facilite aussi l’entraide. »
Un dernier conseil de Dre Gaudreault-Beaulieu
« Je recommande aux étudiants qui ont un intérêt pour la périnatalité de l’explorer de fond en comble dès le début et de saisir toutes les occasions cliniques afin de savoir s’ils aiment vraiment ce domaine.
Également, choisir plusieurs stages de périnatalité à l’externat et à la résidence fait de soi un candidat de plus en plus intéressant et formé, alors cela ouvre des portes. Il n’est jamais trop tôt pour faire part de son intérêt à l’équipe d’obstétrique de sa région. Cela permet justement de semer une graine qui va grandir tranquillement.
Par la suite, il ne faut pas s’arrêter au nombre de postes disponibles, car des possibilités de pratique finissent toujours par se présenter. Parfois, il faut être préparé à travailler dans une région où on n’aurait pas pensé aller initialement. Cela dépend toujours de ce qu’on priorise, soit le lieu de travail ou le type de pratique. Bref, persévérance et exposition. »
À PROPOS DE L’AUTRICE
Catherine Labbé
Catherine Labbé est étudiante en deuxième année de médecine à l’Université de Sherbrooke et membre du groupe d’intérêt en médecine familiale.