La pandémie de la COVID-19 a rapidement bouleversé la vie des gens, incluant celle des professionnels de la santé. À ceci s’ajoute la méfiance vaccinale, un enjeu grandement présent dans la population générale. L’hésitation vaccinale a donc suscité mon attention, surtout concernant les raisons pour lesquelles celle-ci est si prédominante dans la population et si elle diffère de la période prépandémique.
Dre Pascale Bouvet-Bouchard est une médecin de famille qui a terminé ses études médicales à l’Université Laval et sa résidence à l’Université de Montréal. Pendant son parcours, elle a effectué un projet d’érudition sur l’hésitation vaccinale, avec un intérêt plus précis sur la méfiance concernant les risques neurologiques associés à la présence d’aluminium dans certains vaccins. Pendant ses recherches, elle a constaté plusieurs croyances populaires concernant la vaccination, et aujourd’hui, j’ai eu la chance de faire une entrevue avec elle pour en discuter davantage et porter attention à l’hésitation vaccinale des patients dans le contexte de la médecine de famille.
Est-ce que la vaccination est un sujet discuté plus fréquemment dans votre pratique depuis l’arrivée du COVID-19?
C’est plutôt la discussion avec les patients méfiants vaccinaux qui est beaucoup plus fréquente. En période prépandémique, il y avait beaucoup moins de patients méfiants face à la vaccination contrairement à maintenant, même si cela n’était pas une rareté. Bref, ce qui est plus fréquent, ce n’est pas le sujet de la vaccination en tant que tel, mais plutôt la discussion avec les méfiants vaccinaux par rapport au vaccin du COVID-19 spécifiquement. Cependant, la plupart des gens méfiants face au vaccin n’ont pas des questions d’emblée, mais plutôt des arguments expliquant leurs raisons derrière le refus vaccinal.
Quelle est votre approche relationnelle et communicationnelle face à ces patients?
Je commence toujours en disant que je n’ai pas l’intention de les confronter et que je comprends que c’est un sujet qui soulève souvent la polémique. Par la suite, je demande s’ils sont ouverts à en discuter, car la chose la plus importante chez les méfiants vaccinaux est d’ouvrir le dialogue. L’objectif est moins de les convaincre, mais plutôt de maintenir le dialogue ouvert, afin de faire sortir les arguments et les doutes pour ensuite les adresser de façon efficace. Plus la confiance est établie, plus le patient pourra s’ouvrir et potentiellement se pencher vers la vaccination au long terme.
Quelles sont les arguments les plus fréquents de la part des méfiants vaccinaux et comment ceux-ci diffèrent des inquiétudes prépandémiques?
Avant le vaccin contre le COVID-19, les arguments étaient surtout basés sur le principe du Big Pharma, la présence de métaux lourds dans les vaccins, l’autisme induit par la vaccination, etc. De nos jours, la méfiance vaccinale est surtout teintée de l’inconnu sur les effets et les risques à long terme, la nouveauté relative de la technologie des vaccins à ARN messager et du déni de son efficacité. La littérature anti-vaccin est aussi beaucoup basée sur la peur et les argumentaires émotionnels avec la crainte de l’inconnu, ce qui est difficile à défendre avec des arguments scientifiques, car ces derniers sont plus factuels et moins basés sur le réconfort émotionnel. Une source fiable n’est pas censée susciter de la peur, mais plutôt éduquer le lecteur.
De quelle façon la méfiance vaccinale des parents concernant la vaccination de leur enfant diffère de celle du reste de la population et quelle approche avez-vous face à leurs inquiétudes?
Il y a beaucoup de résistance vaccinale avec le COVID-19 comparé aux autres vaccins. La plupart des enfants qui ne sont pas vaccinés contre le COVID-19 ont reçu leurs vaccins d’enfance. Cependant, on aborde le sujet différemment chez cette population, car ce ne sont souvent pas les mêmes inquiétudes. Chez les parents, il y a souvent la peur qu’il se passe quelque chose. C’est moins un argument précis, mais plutôt la peur de l’inconnu pour la sécurité de leur enfant et des conséquences à long terme du vaccin. On ne le sait pas, donc on ne le fait pas est souvent un argument exprimé. Dans ce cas, il est important de normaliser leurs craintes et de leur fournir des données sur les risques et les bénéfices de la vaccination comparé à la maladie. Ceci permet non seulement d’éduquer, mais aussi de rassurer rtains patients dans leur décision. Les mêmes principes de base s’appliquent aussi concernant l’ouverture et la réceptivité aux craintes des patients afin de répondre à leurs besoins.
Est-ce que vous avez déjà eu un patient qui a demandé une exemption et comment avez-vous gérer la situation? Sinon, qu’est-ce que vous feriez?
Non, cela ne m’est pas arrivé encore. Autrement, si je ne suis pas sûre qu’une exemption est indiquée, j’en profite pour me renseigner. Il n’y a pas longtemps, j’ai appris que dans les cas d’allergies, certains allergologues recommandent quand même le vaccin, administré sous surveillance, bien sûr, donc je pense qu’il est important de bien se renseigner sur les situations qui méritent une exemption. Par contre, si je suis sûre qu’elle n’est pas indiquée, je ne la donne pas et voilà tout. Je l’explique au patient de façon sincère et respectueuse.
Comme on peut le constater dans cette entrevue, en offrant des soins de première ligne, le rôle du médecin de famille dans la promotion de la santé concernant le vaccin contre le COVID-19 est d’ouvrir le dialogue et d’avoir une discussion avec le patient concernant ses craintes et d’aborder celles-ci en fonction de la volonté de ce dernier à en discuter.
Établir une relation de confiance est l’étape la plus importante pour aider notre patient à prendre une décision partagée qui aura le plus d’effets bénéfiques sur sa santé globale. En fin de compte, c’est justement cela le rôle du médecin de famille !
À PROPOS DE L’AUTEUR
Mathieu Savoie Robichaud
Université de Montréal (Campus Montréal), Promotion 2024
Co-président sénior du GIMF de l’Université de Montréal
Je m’appelle Mathieu Savoie Robichaud et je suis le coprésident sénior du groupe d’intérêt en médecine de famille (GIMF) de l’Université de Montréal pendant l’année académique 2021-2022. Depuis un jeune âge, la médecine a toujours occupé un espace très important dans ma vie. Mes expériences sous la garde des médecins de famille m’ont fait reconnaître une hospitalité et une relation médecin-patient qui se retrouve nulle part ailleurs. C’est donc pourquoi j’ai décidé de m’impliquer au sein du GIMF dès ma première année en médecine afin de promouvoir les bienfaits de cette belle spécialité. De plus, étant originaire d’une petite ville au Nouveau-Brunswick, j’ai eu l’occasion de découvrir les nombreux avantages qu’offre la médecine de famille en région. Pour terminer, j’espère que vous trouverez un coup de cœur pour cette profession diversifiée et enrichissante, peu importe votre champ d’intérêt!