Dr Fournier est un médecin de famille qui pratique dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Il a une pratique très variée de bureau, d’enseignement au sein d’un groupe de médecine de famille universitaire (GMF-U), de santé sexuelle et une pratique en soins à domicile (SAD). Cet article portera sur le volet en soins à domicile.
Parcours académique et professionnel
Dr Fournier a terminé son doctorat en médecine à l’Université de Montréal en 2017 et sa résidence en médecine familiale à l’UMF Maisonneuve-Rosemont en 2019. Par la suite, il a débuté sa pratique au sein du groupe de médecine familiale universitaire (GMF-U) Hochelaga-Maisonneuve, où il travaille toujours. Il travaille au CLSC Hochelaga-Maisonneuve et enseigne au GMF-U Hochelaga-Maisonneuve, en plus de faire de la prise en charge, du sans rendez-vous et des soins à domicile. Il travaille aussi une journée par semaine au CLSC de la Visitation en santé sexuelle au sein des Services intégrés de dépistage et prévention du VIH/SIDA et autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (SIDEP), où il effectue des traitements de prophylaxie post-exposition (PPE), de prophylaxie préexposition (PrEP) et des traitements contre l’infection au VIH.
Pourquoi choisir la médecine de famille?
Dr Fournier a choisi de poursuivre ses études en médecine familiale en raison de la diversité de pratique offertes par cette spécialité. Le contact longitudinal et la relation privilégiée patient-médecin ont aussi poussé Dr Fournier à choisir la médecine de famille. En effet, il aimait le fait que cette spécialité permette de pouvoir accorder du temps à ses patients, de les connaitre et de les prendre en charge dans leur globalité. Dr Fournier apprécie aussi le fait qu’en médecine de famille, il est possible d’orienter sa pratique vers un domaine en particulier, sans en devoir faire toute sa carrière. Il apprécie donc le fait de pouvoir changer de type de pratique et de découvrir de nouveaux intérêts.
Pourquoi avoir choisi les soins à domicile?
Dr Fournier a choisi de pratiquer en soins à domicile (SAD), car il a un intérêt marqué pour les soins chez les populations vulnérables. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a choisi de pratiquer au CLSC Hochelaga-Maisonneuve, qui dessert un des quartiers les plus défavorisés de l’Île de Montréal. De plus, les patients en SAD sont souvent très malades et ont des problèmes chroniques complexes, ce qui rend la pratique très intéressante pour Dr Fournier, car il faut souvent se creuser la tête et être créatif pour trouver des solutions aux problèmes de ses patients. Il a aussi choisi la pratique en soins à domicile, car c’est un domaine très gratifiant.
Qu’est-ce qui rend la pratique en soins à domicile (SAD) gratifiante?
Les patients en SAD sont des personnes qui ne peuvent pas consulter des professionnels de la santé en raison de problèmes biopsychosociales (par ex. : une condition qui réduit leur mobilité au point de ne pas pouvoir sortir de leur logement). Il arrive donc souvent que le seul contact avec le système de santé et les seuls soins qu’ils reçoivent soient ceux de l’équipe de soins à domicile, ce qui fait que les patients sont très reconnaissants. Dr Fournier explique aussi que la relation avec les patients est privilégiée en soins à domicile; il dit avoir l’impression de les connaitre beaucoup plus qu’ailleurs puisqu’il les rencontre dans leur milieu de vie, dans leur intimité. Lors d’une consultation, il peut rencontrer la famille, les animaux de compagnie et les voisins de ses patients, tout en étant immiscé dans leurs environnements. C’est très loin d’une rencontre conventionnelle en bureau! Les patients sont aussi très reconnaissants envers les médecins qui se déplacent jusqu’à leur domicile pour les voir, ce qui rend cette pratique très gratifiante.
Quelles sont les pathologies et les patients typiques que l’on suit en soins à domicile (SAD)?
Dr Fournier explique que ce sont souvent des patients plus âgés qui souffrent de maladies chroniques, telles que d’insuffisance cardiaque chronique, de maladies pulmonaires obstructives chroniques, d’obésité morbide, de diabète très avancé ou de troubles neurocognitifs.
Les raisons pour lesquelles ces patients ne peuvent plus sortir sont souvent multifactorielles, mais tirent souvent leurs sources d’un déconditionnement qui s’est développé sur une longue période. Les maladies neurodégénératives constituent une certaine portion des patients en SAD, mais ce n’est pas la majorité. Beaucoup de patients en SAD souffrent de précarité et d’isolement social et dépendent beaucoup de l’équipe de soins à domicile (travailleuses sociales, infirmières, préposés et autres professionnels) pour les épauler dans leurs activités de la vie quotidienne. Il n’y a malheureusement pas toujours de solutions à tous leurs problèmes, car ce sont des patients qui souffrent souvent de maladies complexes et de problèmes psychosociaux, mais les patients sont très reconnaissants du fait que l’on se déplace, que l’on tente de trouver des solutions et qu’on les accompagne à travers leurs maladies.
Quels sont les défis que l’on rencontre lorsqu’on s’occupe de personnes qui sont en situation de vulnérabilité?
Dr Fournier explique que ce qui est le plus difficile est de devoir traiter des patients très malades sans avoir accès à des tests complémentaires (imagerie, bilans spécifiques et autres) ou à des avis de spécialistes. En effet, étant donné que les patients en SAD ne peuvent souvent pas sortir de leur logement, il est très difficile de les référer et d’avoir un suivi avec un médecin spécialiste pour traiter certaines conditions. Il faut donc être créatif et tenter de demander soi-même des avis par téléphone ou par télécopieur à ses collègues spécialistes. Toutefois, ceci n’est pas l’idéal et on se retrouve souvent à traiter des conditions un peu au-delà de notre zone de confort habituelle en tant que médecin de famille. En absence de résultats de tests complémentaires ou d’avis de spécialistes, il faut parfois avoir une approche un peu plus empirique basée sur les symptômes du patient plutôt que sur nos investigations paracliniques. Le jugement clinique doit donc être beaucoup utilisé. De plus, outre les problèmes complexes de santé, les patients en SAD ont aussi souvent des problèmes importants au niveau psychosocial. Dr Fournier explique que cela constitue un défi, car nous, les médecins, ne sommes pas nécessairement bien formés pour aborder ces problèmes. Toutefois, le travail en SAD est un travail d’équipe et l’aide des travailleuses sociales, des infirmières et des ergothérapeutes est très précieuse pour aborder les problèmes psychosociaux des patients.
Quels sont les avantages et les désavantages en soins à domicile (SAD)?
L’aspect que le Dr Fournier apprécie le plus dans sa pratique est le contact avec le patient. En effet, il voit souvent ses patients en SAD, ce qui lui permet de bien les connaitre et d’avoir une belle relation avec eux.
L’aspect qu’il apprécie le moins dans sa pratique est l’indécision et l’incertitude lorsqu’il n’a pas accès aux tests complémentaires, normalement nécessaires pour traiter les patients. Toutefois, avec l’expérience, on apprend à travailler avec l’incertitude et que cela lui a permis de développer de très bonnes capacités d’adaptation.
À quoi ressemble une semaine typique en tant que médecin de famille?
Dr Fournier réalise une journée par semaine de SAD. Lors de cette journée, il prend d’abord le temps de réviser les dossiers de ses patients et de voir s’il y a eu des changements dans leur état de santé (par ex. : hospitalisation récente ou visite aux urgences). Il consulte aussi les notes des infirmières et des travailleuses sociales qui font les visites à domicile. Par la suite, Dr Fournier part visiter ses patients. Il réalise environ cinq ou six visites durant cette journée. Pour finir, en après-midi, il rédige ses notes de visites et discute avec l’équipe de soins à domicile des plans de traitements. En ce qui concerne le reste de la pratique du Dr Fournier, il travaille environ deux jours et demi par semaine en bureau, où il fait le suivi de ses patients en médecine familiale, une demi-journée par semaine de sans rendez-vous et d’enseignement au GMF-U et une journée par semaine en santé sexuelle au SIDEP, où il effectue des traitements PPE, PREP et des traitements contre l’infection au VIH.
Comment concilier vie professionnelle et personnelle en tant que médecin de famille?
Dr Fournier explique que la médecine familiale permet d’avoir un meilleur contrôle de son horaire, contrairement à d’autres spécialités, ce qui aide beaucoup à la conciliation travail-famille. En effet, il est possible d’agencer son horaire en fonction de ses préférences personnelles. Par exemple, il travaille plus efficacement plus tard en journée. Il a donc la possibilité de commencer ses journées de travail un peu plus tard, ce qui est bénéfique pour lui. Toutefois, il faut être capable de se mettre des limites personnelles, car le travail en médecine peut être sans fin. En effet, c’est très facile de s’ajouter des activités, mais c’est plus difficile de les retirer une fois que l’on a intégré une équipe. Il faut donc savoir reconnaitre ses limites et ne pas trop s’en mettre sur les épaules en début de pratique, ajoute-t-il.
Un dernier mot sur les soins à domicile
Selon Dr Fournier, les soins à domicile ne devraient pas être vus comme une médecine à part, mais plutôt comme un continuum dans les soins prodigués à nos patients. La population est vieillissante au Québec, ce qui fait en sorte qu’il y a de plus en plus de besoins en soins à domicile. Ces patients ont souvent été suivis par leur médecin de famille durant toute leur vie, puis lorsqu’ils se déconditionnent au point de ne plus pouvoir se déplacer, ils doivent être pris en charge par un nouveau médecin en soins à domicile. Dr Fournier pense qu’il faudrait que les médecins commencent à incorporer les soins à domicile dans leur pratique courante, afin de pouvoir suivre leurs propres patients durant toutes leurs vies. Cela permettrait de maintenir un bon continuum dans les soins, de maintenir une bonne qualité de soins et de réduire une charge supplémentaire sur le système de santé.
À PROPOS DE L’AUTRICE
Yasmine Moussaid Jouiet, Université de Montréal
Coprésidente du GIMF de l’Université de Montréal