La médecine de famille est une discipline extrêmement variée que plusieurs étudiants en médecine décideront de pratiquer dans le futur. Déterminer les responsabilités, les limites et les aspects du quotidien du médecin de famille peut être ardu lorsqu’on y est peu exposé.
Pour mieux démystifier la pratique de la médecine de famille, nous nous sommes entretenues avec Dre Joanie Rinfret, qui est médecin de famille depuis 2010. Elle pratique au CLSC Speid, à Sherbrooke, mais fait également de l’enseignement à titre de professeure agréée à l’Université de Sherbooke (UdeS) et de l’hospitalisation.
Voici donc notre entretien avec Dre Rinfret, durant lequel elle a bien réagi aux idées préconçues des étudiants en médecine de l’UdeS au sujet la médecine de famille.
#1 « Les médecins de famille ne sont pas des spécialistes »
MYTHE
Depuis 2010, les médecins de famille sont considérés comme les spécialistes de la médecine de famille. Dre Rinfret nous raconte anecdotiquement lors de l’entrevue qu’elle a reçu deux diplômes en médecine! Celui de médecin généraliste, puis deux mois plus tard, lorsque le changement de titre a été officialisé, celui de spécialiste, ce qui illustre bien ce principe. En effet, « Les médecins de famille sont les spécialistes pour reconnaitre les raisons de consultation communes et urgentes, ainsi que pour développer rapidement et maintenir à long terme une relation avec les patients. De plus, ils connaissent très bien le réseau de la santé et l’utilise à bon escient pour répondre à leurs questionnements lorsqu’ils en ont », nous mentionne Dre Rinfret.
#2 « Certaines tâches sont réservés aux médecins de famille ayant fait une troisième année de résidence »
MYTHE
Il n’y a pas réellement de tâches qui sont réservées aux médecins de famille avec un R3. Cependant, il peut parfois certains postes peuvent être plus accessible lorsque l’on possède un R3. Par exemple, tous les médecins de famille qui veulent faire de l’urgence le peuvent, mais un poste en milieu universitaire est réservé à ceux ayant un R3 en urgence.
#3 « Les médecins de familles travaillent en équipe »
RÉALITÉ
Les médecins de familles travaillent énormément en équipe. Premièrement, ils s’entraident lorsqu’ils ont des questionnements ou des cas plus compliqués. Ils travaillent également conjointement avec les physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, infirmières et secrétaires avec qui ils font des rencontres multidisciplinaires fréquentes pour discuter des patients. Par exemple, au GMF où Dre Rinfret pratique, ils en font une par mois, ce qui est vraiment une approche interdisciplinaire! Ils sont également en contacts avec plusieurs spécialistes différents, qui peuvent varier en fonction du type de pratique des médecins de famille.
#4 « Il est possible de modifier notre pratique en fonction de nos intérêts »
RÉALITÉ
Dre Rinfret nous explique que travailler dans un GMF ou une autre clinique médicale favorise cet aspect de la médecine de famille. Effectivement, au sein d’une équipe variée, chacun peut un peu trouver son rôle. Dre Rinfret nous donne l’exemple d’un médecin qui aime beaucoup la pédiatrie pourra voir plus d’enfants et que cela peut devenir en quelques sortes son « expertise », alors qu’un autre collègue qui préfère la gériatrie ou bien la gynécologie pourra faire de même selon ses préférences.
#5 « Il y a beaucoup de paperasse en médecine de famille »
RÉALITÉ
Bien que la majorité de la pratique des médecins de famille se fait auprès des patients, la paperasse n’est pas un mythe! Selon un sondage de la FMOQ mené en 2022, les médecins de famille passent jusqu’à 9,7 heures par semaine à remplir de la documentation administrative. Cette réalité fait partie intégrante du métier, mais on la retrouve également dans d’autres spécialités. Dre Rinfret nous rappelle qu’au final, même si cela peut paraître lourd, ces formalités administratives ont souvent un impact significatif dans la vie des patients et on ne doit pas oublier cela. Par exemple, un papier d’invalidité pour un patient qui l’attend impatiemment peut faire une différence considérable dans son quotidien et c’est à ne pas négliger lorsque l’on trouve le temps long en gérant ses papiers. De plus, certains changements sont en cours ou ont déjà eu lieu pour faciliter cette partie du métier.
#6 « En médecine de famille, il faut tout savoir »
MYTHE
« Il faut garder en tête que la réponse est souvent chez le patient! Comme médecin de famille, il n’est pas attendu qu’on connaisse tous les détails, mais plutôt de savoir reconnaitre ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. C’est cela l’important. », explique Dre Rinfret. Effectivement, l’important est de reconnaitre lorsqu’on arrive au bout de nos connaissances dans un sujet et de se renseigner sur celui-ci. Comme mentionné plus haut, cette collaboration se fait beaucoup avec les collègues omnipraticiens, mais les questions peuvent également être posées aux spécialistes concernés. Ainsi, les médecins de famille atteignent leurs propres limites en fonction de leur domaine de compétences et peuvent aller très loin dans la prise en charge de leurs patients selon leurs limites personnelles. Par exemple, un médecin qui est très à l’aise avec les pathologies musculosquelettiques pourrait prendre en charge les patients très longtemps et les référer en orthopédie seulement lorsque ceux-ci ont besoin d’une chirurgie.
#7 « La médecine de famille est un bon plan B pour tout le monde »
RÉALITÉ/MYTHE
« La pratique de médecine familiale est extrêmement variée et la majorité des gens trouvent leur compte au sein de celle-ci, et cela mérite vraiment d’être exploré parce que c’est tellement une belle spécialité. », dit Dre Rinfret. Cependant, elle met également de l’avant que la médecine familiale requiert des qualités spécifiques et uniques et n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire, ce qui mérite d’être pris en considération. Dre Rinfret encourage les apprenants à explorer cette spécialité lors de leur choix de carrière, puisqu’elle est extrêmement gratifiante.
#8 « Les médecins de familles voient des cas variés tous les jours »
RÉALITÉ
Les médecins de famille sont la première ligne, donc ils peuvent être exposés à toutes les maladies qui existent dans leurs premières manifestations, avec la possibilité de se rendre jusqu’où ils veulent dans chaque domaine selon le niveau d’aisance, comme il a été expliqué plus haut. Selon Dre Rinfret, il est évident qu’il y a des pathologies plus récurrentes comme les « -ites » (sinusite, otite, etc.) à répétition en hiver au sans rendez-vous, les troubles de santé mentale, le musculosquelettique, ainsi que les pathologies cardiovasculaires. Toutefois, la médecine de famille est toujours stimulante, puisqu’on rencontre des cas surprenants ou atypiques presqu’à chaque jour!
Merci beaucoup à Dre Rinfret pour sa générosité et son expertise sur le sujet!
Laurence Ouellet et Alexia Gratton
Co-présidentes du GIMF de l’Université de Sherbrooke 2023-2024
Étudiantes en médecine en 3e année, promotion 2025