La résidence en médecine familiale, un entretien avec Dre Elyonora Sargi

La résidence en médecine familiale, un entretien avec Dre Elyonora Sargi
Les premiers mois peuvent être plus frénétiques; la veille tu es une étudiante, le lendemain tu es résidente : tu peux prescrire, tu te retrouves à avoir 200 patientes et patients à ta charge. La courbe d’apprentissage est très grande. Photo : Hann Kuprevich - Shutterstock

Résidente de deuxième année au centre de médecine familiale Herzl, Elyonora a fait toute sa scolarité dans le système éducatif québécois. Après avoir fini son secondaire à Régina-Assumpta, elle a continué au Cégep Bois-de-Boulogne pour finalement rentrer en médecine à l’Université McGill et poursuit maintenant ses études postdoctorales en médecine familiale.

Pourquoi choisir la médecine de famille?
À McGill, il y a une période de notre curriculum qui s’appelle la transition vers la partie clinique. C’est une période de flottement où l’on passe de la partie théorique à l’externat qui nous permet d’explorer nos horizons, de découvrir le domaine hospitalier et les différentes facettes de la médecine dont on entendait parler dans les cours magistraux. Malheureusement, cette partie s’est déroulé à la maison à cause de la pandémie. J’ai fait ma rotation d’anesthésie par Zoom. Imagine… apprendre l’intubation à travers un écran. Pendant l’externat, j’appréciais toutes mes rotations. Dans mes stages à option de troisième année, j’ai essayé d’explorer d’autres horizons avec deux semaines de radiologie et deux semaines de neurologie.

Comment avez-vous vécu votre quatrième année?
À la fin de la troisième année, j’étais encore indécise puisque j’appréciais chaque aspect des spécialités que je venais de découvrir. Je venais de finir tous mes stages obligatoires et dans quelques mois j’allais postuler en résidence, mais en quoi? Je me suis rapidement rendu compte que j’aimais la médecine dans son ensemble. L’élément en commun dans tous mes stages à option c’est que j’essayais toujours d’avoir une approche complète, holistique et vertueuse de la personne. C’est finalement pour cela que j’ai choisi la médecine de famille, en m’étant rendu compte que j’aimais tellement d’aspects divers et variés de la médecine, devenir médecin de famille me permettrait de répondre à ce besoin de connaissances et cette soif d’apprendre.

Comment avez-vous choisi votre GMF?
Tout d’abord, j’ai choisi l’université; personnellement, je venais de faire cinq années universitaires à McGill et une de mes priorités était de continuer dans le même milieu. La résidence vient avec son lot de défis et je trouvais que rester dans le même milieu pourrait alléger cette adaptation.

Existe-t-il une différence entre la résidence en grand centre et à l’extérieur?
Oui. Tout d’abord, il y a le nombre de résidentes et de résidents. En dehors des grands centres, les cohortes ont tendance à être petites et cela favorise le contact avec les patronnes et les patrons et peut-être même l’autonomie en tant que résidente. Personnellement, je voulais être dans un hôpital et j’ai choisi le Herzl pour pouvoir faire partie d’un milieu de soins tertiaires. Un des avantages est que cela permet d’avoir une rétroaction plus rapide des spécialistes vu que l’on partage le même système informatique. J’ai aussi fortement considéré le centre d’enseignement St. Mary’s qui se trouve à être un hôpital plus communautaire.

Que devrait-on considérer lors de la sélection d’un lieu de résidence?
Je vais vous faire part d’éléments que j’ai considérés, mais que tout étudiant et étudiante en médecine devrait garder en tête lors de la sélection du lieu de résidence.

– Le nombre de jours de garde par mois.
– La proximité du domicile : la résidence prend énormément de temps; maximiser les déplacements est primordial.
– Le nombre de résidents par site : une grande cohorte permet de retrouver un plus grand esprit de camaraderie et de bâtir un grand réseau pour le futur. Une petite cohorte permet plus de contacts avec les patronnes et les patrons, puis une plus grande proximité avec les autres résidentes et résidents.
– La démographie du site : par exemple au Herzl, il y a beaucoup de réfugiées, de demandeurs d’asile. Cela augmente la vulnérabilité chez les patientes et les patients.
– L’organisation du curriculum.

Existe-t-il un lien entre votre lieu de résidence et le type de pratique que vous souhaitez?
Plus ou moins. A la fin de la journée, tu peux toujours faire des stages à option dans d’autres milieux qui te permettront d’explorer tes champs d’intérêt. Si tu aimes un aspect en particulier de la médecine, tu iras cultiver celui-ci.

Comment qualifieriez-vous la résidence en médecine familiale?
Les premiers mois peuvent être plus frénétiques; la veille tu es une étudiante, le lendemain tu es résidente : tu peux prescrire, tu te retrouves à avoir 200 patientes et patients à ta charge. La courbe d’apprentissage est très grande. À ce jour, c’est quotidiennement un défi, mais j’ai accumulé tellement de connaissances, je connais mes patientes et patients et suis beaucoup plus familière avec le système médical numérique. Un aspect que j’ai trouvé difficile au début, c’est la variété des cas cliniques; dans la même journée, tu peux voir un cas d’insuffisance cardiaque avec plusieurs comorbidités d’un patient gériatrique, un problème de mal de dos aigu, puis un suivi de développement pédiatrique. Pour cela, il n’y a pas de solution miracle, je trouve, c’est le temps, l’accumulation de connaissances et la confiance en soi.

Quel est votre horaire type?
Lors de mes journées de clinique, je commence vers 8 h 30 avec mes premiers patients. Une fois qu’ils sont vus, il est déjà rendu 16-17 h, mais la journée n’est pas terminée puisque je dois m’occuper de finir mes notes. Ensuite, à la maison, j’essaye de lire sur une question que je me suis posée dans la journée pour consolider mes acquis.

Combien de gardes avez-vous?
J’ai environ une garde de soir par semaine, ainsi qu’une garde un jour de week-end durant le mois.

Comment faites-vous face à l’adversité de la résidence?
L’important, je dirais, c’est de ne pas hésiter à demander conseil à ses collègues et même à l’équipe multidisciplinaire! Par exemple, mes tout premiers mois de résidence furent en obstétrique. Les infirmières et les coordinatrices sont très à l’aise dans leur spécialité et d’une très grande aide. Je dirais aussi qu’il est essentiel de trouver du temps pour soi. Pour être honnête, au début, c’était complexe. Un truc que j’ai réalisé pendant la résidence c’est l’importance de prendre soin de sa santé. Pendant la journée, on passe notre temps à prodiguer des conseils sur de saines habitudes de vie, donc même en résidence il faut trouver un moment pour pouvoir les appliquer sur soi-même. Mon système de soutien, soit ma famille et mes amis, m’aide grandement sur une base régulière. J’essaie de réserver du temps pour les voir le plus souvent possible. Un autre élément important pour moi, c’est le voyage qui me permet de faire abstraction de tout le temps investi un instant et de recharger mes batteries.

Qu’est-ce que le futur vous réserve?
La résidence en médecine familiale dure deux ans. Une fois cette période terminée, il est possible de directement entrer sur le marché du travail ou de s’inscrire à un programme de compétences avancées qui te permet d’obtenir une expertise et une certification supplémentaire. Dans mon cas, je pense faire le programme de compétences avancées en soins aux personnes âgées. Avec la population vieillissante, le but serait d’acquérir une meilleure compréhension des problèmes uniques que les ainées pourraient avoir que le reste de la population ne possède pas. Ce serait aussi la chance de travailler sur mes faiblesses tout en améliorant mes forces. Je pense que cela pourrait être un atout lors de mes journées de bureau ou d’hospitalisation dans des centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD). J’aimerai aussi acquérir des connaissances supplémentaires sur la santé de la femme.

Est-ce que vous croyez cesser d’étudier un jour?
*Rires* La médecine, c’est un apprentissage continu que l’on vienne d’entrer en médecine ou que l’on pratique depuis 35 ans.

Avez-vous un conseil pour les résidentes et les résidents qui souhaitent pratiquer la médecine de famille?
La résidence peut avoir l’air d’une période intimidante à première vue, mais elle est remplie de belles surprises. Laissez le temps faire les choses. C’est normal de prendre son temps au début et surtout, il ne faut pas craindre de poser des questions aux gens autour de nous.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Syphax Brouri, promotion 2025
Président du GIMF de l’Université McGill

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