Il est 14 h 20, vous êtes externe dans une UMF, et Robert Dumas, un quinquagénaire, se présente avec des douleurs à l’épaule droite, qui l’affecte depuis plusieurs mois. Aux côtés du résident, vous envisagez d’inclure la capsulite ainsi que la tendinite dégénérative dans le diagnostic différentiel, mais l’éventail des signes cliniques les départageant vous échappe quelque peu. Devriez-vous vous lancer dans la lecture d’une édition poussiéreuse du Textbook of Orthopaedics ou faire une recherche hasardeuse sur Wikipédia? Sans doute opterez-vous avec raison pour un ouvrage tel que Le guide pratique de l’appareil locomoteur, écrit par Dr Gilles Côté. Cet omnipraticien, comme certains de ses collègues, consacre une partie de leur pratique à la création d’outils d’apprentissage. Première Ligne s’est entretenue avec lui pour en apprendre davantage sur cette branche de la pratique.
Dr Gilles Côté, omnipraticien et médecin-conseil auprès de l’Agence de Santé publique du Québec, a commencé à rédiger des ouvrages sur les maladies chroniques, il y a une vingtaine d’années. Son travail s’étant avéré fort utile, il a écrit d’autres ouvrages du même acabit, tout en continuant à exercer la médecine à l’hôpital comme en cabinet. Aujourd’hui, on compte plus d’une trentaine de ses guides ainsi que plusieurs livres. La grande majorité d’entre eux est disponible en format numérique sur le site Web omnipratique.net.
Retraçons ensemble la réalisation d’un outil d’apprentissage. Le médecin doit d’abord avoir une source de motivation, puisqu’un travail de longue haleine l’attend. Dr Côté puise la sienne d’une part, dans sa passion pour l’enseignement, et d’autre part, dans sa volonté d’offrir des outils agréables et faciles à consulter. Outre une bonne maîtrise du sujet choisi, il est capital de trouver des sources d’information fiables et récentes. Pour sa part, Dr Côté s’appuie sur les diverses publications du Consensus canadien. Les Consensus américains et internationaux viennent corroborer, voire compléter, cette information pour qu’elle soit la plus exacte possible. Les documents rédigés par des spécialistes sur le sujet contribuent également à la véracité du document.
La rédaction peut alors commencer. Pour être utile aux médecins dans leur pratique quotidienne, le feuillet informatif doit faire un tour complet du problème médical ciblé : prévention, signes cliniques, examens diagnostiques et traitement s’y trouvent. Un des défis réside en l’importance de transmettre toutes ces notions de façon claire et concise.
Une fois l’écriture terminée, il est temps de passer à l’étape la plus laborieuse, à savoir la révision. Pour ce faire, Dr Côté requiert l’aide de quatre à cinq experts qui, bénévolement, apporteront des correctifs, feront des suggestions et reliront maintes et maintes fois ledit document. Lorsqu’un consensus est obtenu parmi l’équipe de révision, on peut alors se concentrer sur la mise en page, et pour finir, la publication.
Bref, le processus de création d’un feuillet de cinq pages peut demander de 3 à 5 mois de travail. La publication d’un ouvrage tel que Le Guide pratique de l’appareil locomoteur, d’environ 300 pages, a quant à elle nécessité plus de 2000 heures de travail, échelonnées sur près de 5 ans. À cela s’ajoutent les heures consacrées à la mise au point de nouvelles éditions, où l’on met à jour certains éléments. Ainsi, le Dr Côté travaille depuis 25 ans à parfaire le livre Le diabète en omnipratique, en publiant plusieurs éditions, dont la prochaine est prévue pour cet automne.
Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’une tâche impressionnante et fort gratifiante. En effet, ces ouvrages pratiques connaissent un franc succès auprès de l’ensemble du personnel médical. En effet ces ouvrages pratiques connaissent un franc succès auprès de l’ensemble du personnel médical : les infirmières en maladies chroniques et en GMF, les nutritionnistes, les kinésiologues et les pharmaciens sont nombreux à se procurer ces ouvrages. À cet égard, Dr Côté y voit un réel avantage pour la collaboration interprofessionnelle. En effet, c’est ainsi une façon d’employer un langage médical commun. De plus, ceci donne naissance à une certaine uniformité dans la façon dont les différents professionnels de la santé agissent devant une condition clinique donnée. On reste d’ailleurs soi-même à l’affût des nouvelles méthodes d’apprentissage et de divulgation des connaissances.
Certes, la pratique de la médecine dépend grandement de la recherche, elle relève tout autant de l’accessibilité des résultats qui en découle. C’est pourquoi l’élaboration de matériel didactique est un élément-clé dans l’exercice de la médecine familiale. Maintenant, il est temps de bénéficier de ces précieuses ressources d’information et de déterminer rapidement comment aider M. Dumas!
Merci au Dr Gilles Côté pour avoir partagé son expérience.
Pascale Hunter Poelman
Université Laval