Qu’ont en commun Mme Hébert*, souffrant de multiples plaies inhérentes à son diabète, M. McIntyre*, plongeur professionnel qui a eu une remontée difficile à la surface, et M. Desrosiers*, grave accidenté de la route avec syndrome de compartiment à la jambe gauche? Ils peuvent tous bénéficier de l’oxygénothérapie hyperbare, une thérapie prodiguée par une équipe multidisciplinaire, dont fait partie le médecin de famille. Plongeons ensemble dans l’univers de la médecine hyperbare pour découvrir les caractéristiques qu’elle recèle.
Il s’agit d’une pratique relativement récente, qui a débuté durant les années cinquante aux Pays-Bas. On y effectuait des opérations chirurgicales cardiaques dans une chambre pressurisée. À l’époque, la circulation extracorporelle et les techniques d’anesthésie n’étant pas telles qu’on les connaît aujourd’hui, ces conditions de pression et de concentration en O2 permettaient de meilleurs résultats. On a ensuite appliqué ce principe à d’autres conditions cliniques et les résultats furent tout aussi encourageants.
Le principe de l’oxygénothérapie hyperbare repose sur l’augmentation de la pression partielle en oxygène. En fait, les patients sont soumis à une pression atmosphérique de 2 à 3 fois celle ambiante et reçoivent un apport d’oxygène à 100 %. Ainsi, on crée un important gradient de pression de façon à favoriser les échanges gazeux au niveau tissulaire. Plusieurs mécanismes en découlent, notamment l’angiogenèse et la stimulation des processus de cicatrisation. Bref, cette thérapie permet d’une optimisation du processus de guérison. Il existe de nombreuses indications pour ce traitement : radionécrose (lésions nécrotiques dues à des traitements de radiothérapies), accidents de décompression (remontée à la surface inadéquate), embolie gazeuse artérielle cérébrale, plaies complexes (de pression, diabétique), gangrène gazeuse, intoxication au monoxyde de carbone et bien plus encore.
Le clinicien doit être en mesure de travailler dans des conditions de pressions atmosphériques élevées. Il doit pour ce faire se soumettre à une évaluation médicale.
La médecine hyperbare est pratiquée à deux endroits au Québec : l’Hôpital du Sacré-Cœur à Montréal et l’Hôtel-Dieu de Lévis (HDL). La clinique de l’HDL a pour sa part trois volets : la clinique de médecine hyperbare, la clinique de plaies complexes et le Centre de médecine de plongée du Québec.
Une journée type à la clinique hyperbare de Lévis commence dès 7 h 30 avec l’accueil des patients. On les prépare à leur séance dans le caisson pressurisé, où ils passeront un peu plus de deux heures. Avant l’entrée du caisson, le médecin peut évaluer les oreilles d’un patient qui présenterait des symptômes d’infection des voies respiratoires supérieures afin de s’assurer que ce patient puisse être en mesure d’équilibrer la pression de l’oreille moyenne. Dans la chambre hyperbare multiplace, une accompagnatrice assure leur supervision tout au long de la procédure. À l’extérieur, un opérateur de caisson (généralement un inhalothérapeute) est aux commandes de la pressurisation et du déroulement du traitement, et ce, en restant constamment en communication avec l’accompagnatrice. Une fois la séance bien lancée, le médecin peut rencontrer de nouveaux patients ou contacter les spécialistes pour discuter de la condition clinique de leur patient. Après la séance, on réévalue les patients afin d’ajuster si nécessaire le plan de traitement. En général, les patients suivent une trentaine de séances de ce type. Le même processus aura lieu en après-midi avec un autre groupe de patients.
L’exercice de la médecine hyperbare implique aussi la supervision d’intervention à distance. Les activités de plongée sous-marine professionnelle au Québec se déroulent souvent dans des régions éloignées où les délais d’accès à des soins d’urgence peuvent être importants. Advenant un accident de décompression, le plongeur pourra rapidement être pressurisé dans un caisson hyperbare mobile de la compagnie de travaux sous-marins. Le médecin-hyperbariste sera alors contacté et donnera ses indications au personnel qualifié sur place pour soigner le patient. D’ailleurs, l’équipe de Lévis a collaboré à l’instauration d’une « civière hyperbare » au Centre de Santé de Les Escoumins. Dans cette région très populaire auprès des plongeurs sportifs, ce dispositif – qui consiste en une chambre hyperbare monoplace portative – s’avère très utile pour traiter sur place une victime d’accident de décompression. De plus, l’équipe de Lévis a formé l’équipe de policiers-plongeurs de la Sûreté du Québec afin qu’ils puissent effectuer de tels traitements avec la civière hyperbare.
Bref, il s’agit d’une pratique tout à fait fascinante. L’équipe soignante suit des patients avec des conditions chroniques et s’occupe également d’urgences médicales. Ceci étant dit, cela leur offre une variété et un rythme de pratique qui diffère de l’urgence, à laquelle ils consacrent la majorité de leur pratique. À titre d’illustration, dix médecins travaillent à la clinique de l’Hôtel-Dieu de Lévis. Ils offrent respectivement deux à trois jours par mois. Ils sont aussi de garde pour les cas urgents une fin de semaine sur dix.
Le médecin est appelé à interagir avec plusieurs spécialistes, comme les chirurgiens ou les infectiologues. Il travaille également au sein d’une équipe multidisciplinaire, regroupant inhalothérapeutes et infirmières.
Pour exercer dans ce champ d’expertise, il faut effectuer une année en médecine d’urgence, suite aux deux ans de résidence en médecine familiale. Il est possible de faire la résidence en médecine d’urgence spécialisée, d’une durée de cinq ans. Ensuite, le médecin doit suivre une formation en médecine hyperbare, offerte aux États-Unis. Un diplôme canadien de compétences spéciales en médecine hyperbare est actuellement en élaboration et devrait voir le jour dans les prochaines années. Le clinicien doit aussi être en mesure de travailler dans des conditions de pressions atmosphériques élevées. Il doit pour ce faire se soumettre à une évaluation médicale.
La médecine hyperbare est un domaine qui ne cesse de se développer. Ses résultats sont impressionnants. C’est donc un milieu de travail stimulant pour le médecin et une option thérapeutique efficace pour une grande variété de patients. D’ailleurs, cette discipline ouvre des voies prometteuses en matière de recherche. Chose certaine, cette pratique rejoindra tous les amateurs de travail sous pression, dans tous les sens du terme.
Merci au Dr Dominique Buteau pour la générosité de son temps et de son savoir, ainsi qu’au reste de l’équipe de la clinique de médecine hyperbare de l’Hôtel-Dieu de Lévis.
Pascale Hunter Poelman
Étudiante en deuxième année
Université Laval
* il s’agit de noms fictifs