Lorsqu’on entreprend le laborieux parcours des études en médecine, on passe inévitablement par plusieurs étapes; on débute le préclinique, vient ensuite l’externat, puis la résidence. Et à la fin de tout ça, du jour au lendemain, on devient finalement patron. Mais comment se vit réellement la transition entre la résidence et la pratique?Première Ligne s’est posé la question! Pour y répondre, nous avons interrogé quatre jeunes médecins, qui exercent des pratiques bien différentes dans des milieux tout aussi différents, un peu partout au Québec.
Dre Natalia Vo, Montréal
Jeune diplômée de l’université de Montréal, Dre Natalia Vo a fait sa résidence en médecine familiale à l’UMF Notre-Dame et un R3 de trois mois qu’elle a monté elle-même, en urgence, en anesthésie et en pédopsychiatrie. Étudiante très impliquée, Dre Vo fut non seulement membre du GIMF mais également représentante de classe pendant 5 ans, membre de Sexperts, bénévole en soins de longue durée au pavillon Rosemont et en pédiatrie sociale à la clinique du Dr Gilles Julien. Par la suite, elle siégea au comité d’externat puis à l’AMRM et à la FMRQ comme vice-présidente aux affaires académiques en médecine familiale.
À l’image de son implication des années passées, la pratique de Dre Vo est actuellement bien variée! Elle fait des soins palliatifs hospitaliers et en unité, faisant partie de l’équipe de l’Hôpital Sacré-Cœur de Montréal. Par ailleurs, elle fait de la prise en charge avec un intérêt particulier pour la pédopsychiatrie, ainsi que du dépannage d’urgence principalement en Gaspésie et dans le Bas-St-Laurent. Elle a actuellement son bureau à la clinique L’Envolée de Montréal.
Pourquoi avoir choisi la médecine familiale?
« J’ai toujours eu des intérêts variés et tout le monde savait bien avant moi dans quelle spécialité je me dirigeais. Malgré cela, j’ai eu plusieurs coups de cœur : la pédiatrie et ses milliers de sourires, l’hémato-oncologie et son humanité profonde, l’urgence et son rythme dynamique, la médecine interne et ses promesses d’érudition sans bornes, la psychiatrie et ses mystères… Lors de l’automne de ma deuxième année d’externat, j’étais une poule sans tête. Jusqu’à ce que je réalise que la médecine familiale me permettait de toucher à tout ce qui m’intéressait! En plus, elle donne la chance de modifier notre profil de pratique selon le parcours de notre vie. Je me voyais avoir le choix de faire ce que j’aimais, là où je l’aimais (car la difficulté de trouver des emplois dans certaines spécialités se pointait déjà), et quand je le voulais. Bref, la médecine familiale offre un éventail de possibilités tout en flexibilité. »
…lorsqu’on termine notre résidence, nos décisions se font avec plus de confiance, mais il est tout de même rassurant d’avoir l’appui d’un patron, même si on ne s’en rend vraiment compte que lorsqu’on se retrouve seul pour la première fois. La clé : Oser demander l’avis de nos collègues!
Le dépannage d’urgence en région, la pédopsychiatrie à la clinique l’Envolée, les soins palliatifs à Sacré-Cœur… Pourquoi avoir choisi ces milieux de pratique si différents?
Dre Vo a obtenu son PREM à la Clinique l’Envolée, une clinique spécialisée en suivis de grossesses par des omnipraticiens. À ce moment-là, l’équipe recherchait un médecin de famille pour prendre en charge les nombreux enfants accouchés, les femmes après leur accouchement, ainsi que leurs familles. Étant donné son intérêt particulier pour la pédopsychiatrie et le trouble d’attention avec hyperactivité (TDAH), c’était une très belle opportunité!
C’est plutôt lors d’un stage d’un mois en deuxième année de résidence que Dre Vo a découvert l’équipe de soins palliatifs de Sacré-Cœur. Elle eut tout de suite le coup de foudre pour les médecins extraordinaires et profondément humains qu’elle y a rencontrés. « Travailler auprès de tels modèles, à mon avis, nous fait grandir en tant que personne », me raconte-t-elle.
À la question qu’elle se fait souvent poser, à savoir pourquoi, en plus de sa pratique principale déjà bien chargée à Montréal, ressent-elle le besoin de faire neuf heures de train pour aller dépanner à l’autre bout du Québec, Natalia Vo répond : « Le travail en région m’a longtemps titillé l’esprit. Et mon conjoint étant encore résident (j’adore écrire cette phrase) à Montréal, j’ai choisi d’assouvir cette soif de voyage en dépannant. De plus, la pratique d’urgence est très médicale, efficace et dynamique. Je trouve qu’elle met bien à profit les connaissances acquises durant les sept dernières années. J’en profite avant la maternité, alors que j’aurai le loisir de garder une pratique de bureau et soins palliatifs, qui s’accordent merveilleusement avec une vie familiale. »
La transition de la résidence à la pratique
Les défis
En un mot, cette transition, Dre Vo la décrirait comme déstabilisante! Mentionnons quand même que son premier quart à vie comme patron était de nuit, à l’urgence d’Amqui, comme médecin dépanneur! Ceci dit, elle affirme que dans la plupart des milieux, on a beaucoup de soutien lorsqu’on débute une pratique : les collègues sont présents pour aider, soit en faisant des quarts jumelés, ou en étant disponibles par téléphone. Selon elle, l’élément qui est sans doute le plus difficile lorsqu’on commence une pratique, c’est d’avoir à prendre des décisions sans personne pour les appuyer. Oui, lorsqu’on termine notre résidence, nos décisions se font avec plus de confiance, mais il est tout de même rassurant d’avoir l’appui d’un patron, même si on ne s’en rend vraiment compte que lorsqu’on se retrouve seul pour la première fois. La clé : Oser demander l’avis de nos collègues!
Autre incontournable défi qui se présente à tout nouveau patron en médecine familiale : la fameuse facturation. Elle suggère à tous les résidents de se pratiquer à facturer lors de leurs derniers quarts d’urgence ou de bureau!
Et l’intégration à l’équipe d’omnipraticiens, dans tout ça?
Pas de stress à avoir de ce côté-là! Dre Vo dit s’être intégrée très rapidement : « À peine mon PREM obtenu, j’avais déjà des invitations aux soupers de Noël, aux fins de semaines au chalet, aux réunions de service pour rencontrer l’équipe. Il règne une belle atmosphère de collégialité en médecine familiale! ».
Finalement, Dre Vo, quelles sont selon vous les joies de commencer une pratique en médecine familiale?
« Je répondrais à cette question par une anecdote. Mercredi dernier, je suis allée chercher dans la salle d’attente du bureau une petite patiente de 18 mois, qui m’a accueillie avec un sourire plein de fossettes et un coucou de la main. J’avais suivi la grossesse de sa mère lors de ma résidence, entendu son cœur pour la première fois au doptone, imaginé son minois en regardant l’image de son échographie avec ses parents, attrapé son corps gluant lors de l’accouchement, donné ses premiers vaccins… et ce mercredi, elle faisait des phrases de trois mots, pointait dix parties de son corps et m’a donné un gros bec baveux en sortant du bureau. Je m’imaginais déjà la voir grandir à chaque année, peut-être même suivre sa grossesse plus tard! Ça a été magique. On ne se rend pas compte, dans notre parcours effréné d’étudiant en médecine, quel privilège nous avons en tant que médecin de famille de vivre de belles choses du genre. »
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