Médecin de famille depuis 20 ans, Dre Bergeron a terminé une troisième année de résidence supplémentaire en soins aux personnes âgées pour spécialiser sa pratique en gériatrie. Dre Bergeron travaille actuellement à Québec.
Pourquoi avez-vous choisi la médecine familiale?
Diverses raisons m’ont amené à choisir la médecine de famille :
Tout d’abord, le contact privilégié du patient envers son médecin de famille. Au cours de mes stages, j’ai pris conscience qu’établir une relation de confiance avec son patient était un grand privilège. Tout médecin est appelé́ à tisser un tel lien avec son patient. Cependant, le médecin de famille reste pour le patient la figure stable qui apprend à le connaitre sous toutes ses facettes et devient ainsi le grand chef d’orchestre de ses soins. Je me suis rendue compte que j’aimais prendre du temps pour bien connaitre un dossier, me l’approprier et le comprendre dans sa globalité́. Tant de conditions médicales peuvent s’interrelier et créer un impact l’une sur l’autre. J’aimais capter la photo d’ensemble pour ensuite adapter le traitement à la globalité́ à la condition de santé de mon patient.
J’appréciais également la flexibilité́ que cette pratique m’offrait. Tant au niveau du type de pratique que je souhaitais faire, qu’au niveau de l’horaire personnel que je planifiais avoir. Un médecin de famille peut faire du suivi en bureau, de l’obstétrique, de l’urgence, des soins palliatifs, de la médecine hospitalière, de la gériatrie, de la pédiatrie et j’en passe! Cette belle diversité était pour moi rassurante, car j’envisageais qu’au cours de mes années de pratique, il me serait possible de changer mon profil d’activités selon mes intérêts, mes besoins et mes disponibilités. D’un point de vue plus personnel, je souhaitais avoir des enfants et pouvoir m’investir davantage auprès d’eux lors de leur petite enfance. Je voyais dans cette spécialité́ une souplesse de pratique. Ma pratique de médecin de famille m’a permis de moduler ainsi ma vie personnelle.
En quoi consiste votre pratique ?
Lorsque j’ai terminé mon cours de médecine de famille en 1999, j’ai choisi d’étudier une année de plus en soins aux personnes âgées. Il s’agissait pour moi d’une année qui me permettrait de consolider mes notions apprises au cours de mes deux années de résidence et d’approfondir mon expertise envers une clientèle qui me touchait et que j’aimais. Ainsi, j’ai consacré l’ensemble de mon travail à la gériatrie.
Comme j’adorais la pratique hospitalière, que je trouvais enrichissant de côtoyer les divers spécialistes et ainsi me tenir à jour sur les derniers traitements et que les besoins à ce moment en milieu hospitalier étaient criants, j’ai consacré toute mon énergie aus soins des personnes âgées en milieu hospitalier universitaire avec la chance de jumeler travail et enseignement aux externes et aux résidents.
J’ai travaillé au sein d’une UCDG (Unité de courte durée gériatrique) pendant mes dix premières années de pratique. Puisque les personnes âgées présentent des pathologies qui touchent tant le volet neurologique que pulmonaire, urinaire, cardiaque, infectieux, digestif, etc., ces années m’ont permis d’acquérir un solide bagage de connaissances. Étant fragiles, j’ai régulièrement accompagné mes patients en fin de vie et ainsi, j’ai pu faire des soins palliatifs. Le contact étroit avec les spécialistes m’a aussi donné la chance de poursuivre mon apprentissage et d’être rassurée que face à une situation particulièrement complexe, je pouvais me fier à l’avis d’un tiers et y reposer ma confiance.
J’ai ensuite eu besoin de changer un peu… de prendre mon bagage et de m’en servir autrement. Ainsi, les dix années suivantes, je me suis consacrée majoritairement aux consultations des patients gériatriques à l’urgence. Mon expérience de médecin hospitalise m’a aidé à identifier et prévenir, dès l’entrée en salle d’urgence, les complications et les pathologies que pouvaient présenter ces patients. J’ai adoré ce défi, ce premier regard, cette analyse complexe et ce guide de départ pour l’hospitalisation d’un patient.
Et maintenant, une nouvelle pratique s’ouvre à moi. Celle de créer le pont entre l’hôpital et le domicile. Comme la clientèle gériatrique se fait grandissante et que le milieu hospitalier ne peut tout absorber, mon équipe et moi avons décidé de sortir les ressources de l’hôpital pour les amener au domicile de nos patients avec le projet la Clinique des Aînés. Ainsi, après 20 ans de pratique purement hospitalière, je me renouvelle et je me déplace à domicile pour permettre d’écourter les hospitalisations ou tout simplement les éviter après avoir vu un patient à l’urgence. Effectivement, l’équipe de gériatrie de l’HSFA a voulu penser les choses différemment et offrir une continuité́ de soins uniques au Québec. Il s’agit d’une clinique dédiée aux personnes âgées de plus de 75 ans qui s’étale sur cinq volets. Nous souhaitons que ce projet répondra aux besoins grandissants de notre clientèle sans devoir augmenter le nombre de lits d’hospitalisation. Il s’agit d’une clinique opérée uniquement par des médecins de famille qui ont à cœur les besoins grandissants d’une clientèle de plus en plus fragile et nombreuse.
Pourquoi avez-vous orienté votre pratique envers les personnes âgées? Quels sont les défis ou les particularités reliées à cette clientèle qui vous ont plu?
J’ai d’abord eu un coup de cœur pour les personnes âgées. Je les aime, tout simplement… Elles m’apparaissent comme de grandes personnes, riches en vécu, en connaissance, en histoire, en amour, en misère, mais qui désormais vivent dans un corps qui n’est que fragilisé. Nous avons tant à apprendre d’elles et elles ont tant à nous donner! Il suffit simplement de prendre le temps, parfois beaucoup de temps dans une journée pour les comprendre et les aider. Les personnes âgées sont particulièrement reconnaissantes, parfois simplement d’un sourire ou d’un beau bonjour et je suis sensible à leur vulnérabilité́.
Comme médecin, la gériatrie est une pratique fort intéressante de par la diversité́ des pathologies rencontrées. C’est un peu comme la médecine interne, mais dont l’intensité́ aura cependant une limite selon la fragilité du patient. Le défi diagnostic est parfois de taille et je compare souvent mon travail à celui d’un détective. En effet, la présentation d’une problématique peut se révéler très différente chez la personne âgée et comme celle-ci présente régulièrement des troubles cognitifs qui complexifient la collecte de données, il faut parfois être persévérant, méticuleux et perspicace pour parvenir au bon diagnostic.
Est-ce que la médecine de famille vous donne l’occasion de vous épanouir en tant que médecin et de quelle façon?
Comme médecin, j’ai d’abord forgé ma base de connaissances lors de mes premières années de pratique. Puis mon expérience s’est agrandie progressivement grâce à toute l’exposition des diverses situations cliniques vécues. Maintenant à la mi-quarantaine, j’ai atteint un bel équilibre entre les connaissances et l’expérience et ceci m’a conduit à vouloir moi-même changer un peu les choses et d’y mettre mon grain de sel avec la Clinique des Ainés.
Comme individu, j’ai gagné en sagesse. J’ai vécu, auprès de mes patients, une panoplie de situations sociales parfois difficiles, mais toujours enrichissantes. J’ai beaucoup appris de mes patients, de leur parcours de vie et de la confiance qu’ils nous offrent. Il s’agit d’un privilège de les épauler et les accompagner lors de cette étape difficile de la vie.
Comme mère de famille, j’ai eu la chance de pouvoir exercer une profession qui m’a permis de m’accomplir auprès de mes enfants. Bien sûr, j’ai dû faire des sacrifices, mais j’ai quand même réussi à conserver la souplesse d’emploi que je souhaitais et grâce à laquelle j’ai été présente le soir à leur retour de l’école pendant quelques années.
Comment décrivez-vous la médecine de famille?
La médecine de famille est selon moi une médecine humaine qui prend soin d’un individu qu’on apprend à connaitre. Cette connaissance est primordiale afin de lui offrir la meilleure qualité́ de soins possibles et pour le guider dans le chemin souvent difficile des investigations, des multiples opinions de spécialistes et des ordonnances diverses. Elle offre une variété de pratique sans incomparable qui permet d’être modulée selon nos besoins personnels et ceux du milieu.
Elle est un port d’attache qui est essentiel à la bonne prise en charge d’un patient, car elle permet d’avoir une vision globale de la situation. Elle est centrée sur le patient, sur ce qu’il est maintenant et sur ce qu’il va devenir…
Entrevue réalisée par Léa-Dancause-lavoie
Université Laval, promotion 2022
Coprésidente du GIMF de l’Université Laval