Première ligne
La revue Web des GIMF, soutenue par la FMOQ
Volume 2, numéro 1, février 2012

Coup de foudre

 

J’ai la manie, depuis mon entrée en médecine, de demander à chaque médecin de famille que je rencontre ce qu’il ou elle fait comme pratique(s). Ça me fascine! Avant, je n’avais aucune notion de ce que faisaient les médecins de famille ni de la façon dont fonctionnait le système. Je dois dire que je viens d’une famille plutôt grano qui ne croyait même pas à l’utilité d’une simple bouteille de Tylénol, qui traitait les maux de dents avec un clou de girofle et les crampes menstruelles incapacitantes avec une bouillotte et une soupe au poulet. Un médecin de famille, ma famille n’en avait pas. Mais j’avais le vague concept que ceux-ci se trouvaient habituellement derrière un bureau de CLSC en permanence, portaient la moustache, prescrivaient des médicaments et riaient des clous de girofle.

Mais malgré tout, c’est un médecin de famille, un jour, qui m’a donné le coup de foudre pour la médecine, moi qui étais bien investie dans le domaine de la traduction et des langues. C’était justement un de ceux qui œuvrent dans un CLSC. La médecin dont je vous parle, elle était venue chez nous prodiguer des soins palliatifs. Je l’ai trouvée humaine, empathique et compréhensive. Elle a rapidement créé une relation de confiance et d’ouverture au sein de ma famille. Elle a fait toute la différence. Ce fut un choc, pour moi, de constater que, non seulement elle ne portait pas la moustache, n’était pas amarrée à son bureau à temps plein et ne portait pas au bout de la main son bloc de prescriptions comme un appendice, mais elle exerçait un travail à la fois scientifique et humain et, de ce fait, avait le pouvoir de changer la vie des gens ou, à tout le moins, de les aider dans les moments les plus difficiles de la vie.

Et j’ai eu le coup de foudre.

Je me suis dit : « c’est ÇA que je veux faire de ma vie, pour le restant de mes jours! ». Je vous épargne le récit sordide de l’année entière où j’ai dû me taper les 10 cours de science du Cégep préalables à l’admission en médecine, cours largement inutiles tant qu’à moi. Une année de ma vie que je ne récupérerai jamais… Mais bon, la fin allait amplement justifier les moyens.

Depuis, chaque fois que je rencontre des médecins de famille, je leur demande ce qu’ils ont déjà fait et ce qu’ils font maintenant. J’ai fini (j’espère!) par arrêter de faire une face complètement débile en m’exclamant « Vraiment??? On peut faire ça en médecine familiale?!! », non parce que les réponses ont cessé de me surprendre, mais plutôt parce qu’étant externe sénior, je pense que j’ai fait ma part d’avoir l’air débile; je voulais passer à autre chose. ;-)

Première ligne est une revue Web qui vise à mettre en valeur la richesse de la diversité professionnelle qui s’offre à ceux qui choisissent la médecine familiale. Il y en a pour tous les goûts, tous les styles de vie, toutes les ambitions. Il y a l’incroyable possibilité de faire un peu de ceci et un peu de cela, puis de migrer vers autre chose en cours de route, de ne pas être enchaîné à un hôpital pour le restant de ses jours, de pouvoir pratiquer n’importe où au Québec, de pouvoir travailler à temps partiel pendant qu’on élève la famille, de pouvoir partir en mission humanitaire, de pouvoir cesser de faire des gardes de nuit quand le corps suit moins bien, passé un certain âge. Et il y a le fait que le médecin de famille, c’est le spécialiste de la première ligne et de la globalité des patients, de la relation humaine dans un contexte médical. C’est le spécialiste de la vie, des premières bouffées d’air au dernier soupir, en passant par tout ce qu’il y a entre les deux. C’est big!

Si la médecine familiale vous intéresse, un peu, beaucoup, passionnément, eh bien je vous invite à parcourir ce numéro de Première ligne, ainsi que les articles antérieurs, en dégustant votre chocolat de la St-Valentin. Je vous encourage à en apprendre davantage sur le sujet et à poser des questions à tous les médecins de famille qui croiseront votre chemin. Je vous conseillerais simplement de vous pratiquer devant le miroir à faire une face digne et intelligente et de tenter de la maintenir pendant vos discussions. Et je vous souhaite bonne chance, car il est fort à parier que vous serez incroyablement surpris et, qu’à votre tour, vous vous exclamerez débilement « On peu faire ça, en médecine familiale??!! »!

Bonne découvertes!

Èvelyne Bourdua-Roy, rédactrice en chef de Première ligne