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« Ce qui me plaît le plus de la médecine familiale, c’est l’absence de routine, l’aspect du détective, que j’appelle mon côté 'Colombine' »

Dre Christiane Laberge, médecin de famille

Chaque numéro de Première ligne met à l’honneur un médecin de famille du Québec qui s’illustre sur la scène québécoise, canadienne ou internationale ou qui a une pratique non conventionnelle ou particulièrement inspirante. Première ligne a eu la chance de pouvoir s’entretenir avec Dre Christiane Laberge, médecin de famille, chroniqueuse santé régulière auprès des médias télé (TVA) et radio (cogeco 985 fm) et auteure de nombreux articles portant sur la santé.

 

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La petite bio
Née à Beauharnois en 1953, Dre Laberge a fait ses études médicales à l’Université de Montréal en 1971-76 puis son internat multidisciplinaire à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Elle a pratiqué en médecine familiale à Beauharnois pendant 13 ans, à l’urgence pédiatrique de HMR de 77 à 87, en médecine scolaire au CÉGEP Maisonneuve de 77 à 82, puis en familles enfance jeunesse (FEJ) au CLSC LaSalle. Depuis 2002, elle travaille au CLSC Lachine-Dorval en santé mentale chez les jeunes (anciennement la clinique TDAH) et pratique aussi en cabinet privé à LaSalle.

Les communications écrites, radio et télé se sont présentées à elle spontanément : elle n’avait en effet aucun plan de carrière dans ce domaine. C’est le hasard qui l’y a menée, mais c’est le plaisir qui la fait rester. Dre Laberge affirme ne jamais avoir eu de pression pour l’apparence (pas de diète, de plastie, pas de coloration… chose qu’elle qualifie de rare dans ce milieu!) et elle avait carte blanche sur le choix des sujets et la façon de les aborder.

P.L. Bonjour Dre Laberge, vous avez plongé tête première dans la pédiatrie dès vos premiers stages d’externat et vous en avez fait votre créneau de prédilection. C’est d’ailleurs aux côtés de votre propre médecin de famille, celui qui vous a vu naître, que vous avez appris les rudiments du métier. Vous avez contribué à mettre sur pied un programme de gestion intégrée sur le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) dans cinq écoles primaires et une secondaire. Pourquoi avez-vous choisi la médecine familiale et, en particulier, la pédiatrie?

C.L. Parce que j’ai toujours aimé les enfants et que, dès les premiers jours de pratique solo en médecine familiale, mon médecin de famille m’a dit que puisque nous n’étions que 26 % de femmes étudiantes en médecine, lui et moi allions faire une belle équipe. Lui avait l’expérience et la connaissance clinique et moi, comme petite nouvelle, l’intuition et les connaissances à jour. Il aimait aussi les enfants et accordait une très grande importance au gros bon sens, à l’observation et à l’intuition. La médecine restait un art où la créativité avait toute sa place. Malheureusement, un an plus tard, se sachant malade, il s’est suicidé et c’est moi qui ai dû constater son décès, au petit matin. Dur coup! Il avait su me donner le feu sacré, en son nom et à cause de lui, je me suis sentie liée par notre union professionnelle à reprendre les patients de sa cohorte et à essayer de continuer son œuvre, malgré ma douleur.

Ce qui me plaît le plus de la médecine familiale, c’est l’absence de routine, l’aspect du détective, que j’appelle mon côté « Colombine » (en référence à Colombo, cet enquêteur qui n’a l'air de rien, mais qui, par le questionnaire et la révision des éléments, arrive à la conclusion la plus vraisemblable)… c’est un défi quotidien qui met tous mes sens en éveil!

P.L.  Comment en êtes-vous arrivée à être chroniqueuse invitée à la radio (émission de Paul Arcand le matin, aux ondes de 98,5) et à écrire des articles sur la santé? Qu’avez-vous fait d’autre dans la sphère des médias?

C.L. Par le plus parfait hasard… on m’avait invitée à participer à l’émission Droit de Parole, de TéléQuébec, et de fil en aiguille, les projets se sont succédés. J’ai toujours embarqué en ayant en tête l’aspect du messager qui ferait changer les choses par l’information. Je consacrais beaucoup de temps en bureau à expliquer à mes patients ce qu’ils avaient et ce qu’ils pouvaient faire pour eux-mêmes. Maintenant, la seule différence est qu’il y a plus de gens qui sont touchés par l’information que je diffuse! Le plaisir est mon principal moteur d’action. Les patients sont plus informés, de nos jours, alors il faut toujours se tenir au courant et c’est une magnifique motivation pour le faire.

P.L.  Qu’est-ce que la médecine familiale vous permet de faire que vous n’auriez jamais pu faire en tant que spécialiste? Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre pratique?

C.L. À bas la routine, vive la connaissance de nos patients! Et imaginez quand vous tenez dans vos bras le bébé de la maman ou du papa que vous avez connu à cet âge! On se sent mammy  en même temps. On a traversé les étapes ensemble et c’est tellement intéressant de ne pas avoir besoin de demander les nouvelles de la famille, car on est au courant. On n’a qu’à demander « maman va mieux? » ou « votre fille a fini son cours X? ». On fait partie de la famille, on est une de leurs références… De plus, j’aime ne jamais savoir de quoi il sera vraiment question. Un patient connu entre, avec un air bizarre, une énergie plus basse, et il t’amène sur un sujet futile et tu sais que c’est un bateau, tu pistes et l’orientes vers la vraie affaire! J’aime particulièrement trouver un diagnostic pas évident, surtout quand il a été raté par les spécialistes, n’ayant pas l’avantage de l’observation prospective ou ayant carrément méprisé le questionnaire au profit de la technologie. Là, je lâche un « yeah!!! » bien senti. Ou encore quand les spécialistes disent à ton patient : « Comment a-t-on trouvé cette maladie? » et la réponse est : « Quand mon médecin de famille m’a examiné! » et que ton patient te rapporte l’air hébété de ceux-ci! Petite jouissance!

P.L.  Comment avez-vous réussi à concilier médecine, famille et autres intérêts dans votre vie?

C.L. Nous avons eu notre fille « sur le tard », mi-trentaine, donc au moment où j’étais bien installée en pratique. Absente pendant 6 mois, je me suis fait remplacer par un collègue, à temps partiel, pour combler les urgences, et j’ai allaité pendant 21 mois. Mes parents habitaient à proximité, alors je pouvais aller dîner en allaitant et ma mère se plaisait à garder mon enfant plutôt facile et adaptable. Mon conjoint aime cuisiner et a supporté la « domesticité », ayant un emploi avec un horaire plus flexible. Nous avons voyagé en famille un peu partout. Je préfère prendre mes vacances par petites bouchées plutôt qu’en longues périodes, ayant une facilité à décrocher. Je fonctionne par tiroir, 100 % présente dans chaque activité, mais 0 % quand je n’y suis pas… ou presque!

P.L.  En terminant, vous savez que tous les Québécois n’ont pas accès à un médecin de famille et que les étudiants en médecine semblent opter davantage pour les spécialités, pensant peut-être mener ainsi une carrière plus stimulante. Qu’en pensez-vous? Auriez-vous un message à offrir aux étudiants et externes en médecine concernant la médecine familiale?

C.L. Si vous acceptez de vous attacher, de vous engager, de voir des situations nécessitant votre art et votre science, c’est pour vous. Si vous aimez l’idée d’être comme l’enquêteur qui dispose de tous les bidules mais dont l’intelligence, l’expérience, l’attention aux détails, l’écoute de l’histoire et le flair sont les vrais outils, c’est pour vous. Vous n’aurez pas de routine et rien ne vaut le sourire des patients et de leur famille, à qui vous offrez la continuité; rien ne vaut le plaisir de les revoir quand ils ont traversé de mauvaises périodes… Vous les avez accompagnés, leur avez misé sur leurs  vraies forces et permis de continuer à vivre pleinement leur vie. Vous les avez vu grandir dans tous les sens, en même temps que vous. Comme dit la publicité : « ça n’a pas de prix »!

Je vous remercie d’avoir accordé cette entrevue à Première ligne. Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos prochaines entreprises!

Èvelyne Bourdua-Roy
Externe en médecine, Université Laval
Rédactrice en chef de Première ligne

Dans ce numéro

Étudiant vedette

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Marc-André Lavallée est en année sabbatique entre sa deuxième année et son externat de médecine, à l’UdeM. Pour lui, donner de son temps aux autres a toujours été chose importante. Il se passionne pour les enjeux sociaux, politiques et environnementaux. Il soutient des causes caritatives, s’implique dans des associations étudiantes, met sur pied des projets et participe à des immersions en Équateur et au Pérou. Idéaliste rationnel, il a rapidement compris que c’est à travers les actions qu’il parviendrait le mieux à faire changer les choses.+

Nos vedettes

Chaque numéro de Première ligne met à l’honneur un médecin de famille du Québec qui s’illustre sur la scène québécoise, canadienne ou internationale ou qui a une pratique non conventionnelle ou particulièrement inspirante. Accédez aux entrevues des numéros antérieurs :

Dr Réjean Thomas, médecin de famille et cofondateur de la clinique L’Actuel, de la nouvelle Clinique A et de Médecins du monde Canada

Dr David Saint-Jacques, médecin de famille et astronaute.


Vedette malgré elle

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« Les communications écrites, radio et télé se sont présentées à elle spontanément : elle n’avait en effet aucun plan de carrière dans ce domaine. C’est le hasard qui l’y a menée, mais c’est le plaisir qui la fait rester. »